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"85% de la monnaie, c'est de la masse scripturale"

Par Adélaïde Motte

Pouvoir de la monnaie : André Bercoff en parle sur Sud Radio le 18 janvier 2024.

monnaie
Augustin Sersiron, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Augustin Sersiron, co-auteur de Le pouvoir de la monnaie, éd. Les liens qui libèrent, vient présenter son livre dans le Face-à-Face d'André Bercoff.

"Celui qui a le pouvoir de la monnaie a le pouvoir"

La monnaie n'est "pas simplement un pur objet technique", c'est un "objet collectif " qui ne fonctionne que parce que "la collectivité dans son ensemble l'accepte." Elle a une "valeur intransitive", c'est une "unité de compte partagée". On crée ainsi "un langage commun". "On va évaluer le prix de toutes les marchandises à partir d'un même étalon, si on n'avait pas d'unité de compte on devrait comparer les biens les uns aux autres". Tout cela crée un "équilibre plus ou moins stable". "S'il n'y en a pas, vous ne savez pas si les prix augmentent ou baissent, c'est une institution collective qui est au centre du marché, ça repose sur la confiance collective."

"Là, on l'a tournée [la monnaie] vers des projets d'avenir. Le projet d'avenir, c'est la créance que la banque a sur vous." Cette évolution va d'ailleurs de pair avec les évolutions politiques, puisque l'on est parti d'une légitimité royale liée à une famille, une dynastie, à une légitimité présidentielle fondée sur une élection, donc un projet d'avenir. Aujourd'hui, "celui qui a le pouvoir de la monnaie a le pouvoir", on le voit avec la puissance du dollar, qui va de pair avec "l'hégémonisme américain." On constate aujourd'hui des tentatives de "se réapproprier la monnaie", avec un "essor assez puissant des monnaies locales", ou avec le Bitcoin qui est plutôt une initiative anarcho-capitaliste de monnaie sans État. Néanmoins, tout cela "reste complètement anecdotique."

Avec l'invention de la monnaie, "il n'y a plus besoin de confiance"

"Les premières monnaies marchandes, c'est en Mésopotamie antique que ça va naître", soit il y a environ 5 000 ans. "Il y a un côté tout à fait religieux à l'origine", puisque l'or, en Égypte, est associé aux dieux. Pourtant, il ne s'agit pas encore de la monnaie telle que nous la connaissons aujourd'hui. "Ce qui va être inventé, c'est l'unité de compte, évaluer les marchandises, on les échange mais en nature". "C'est des sociétés extrêmement centralisées, elles sont complètement organisées autour des grands organismes, le temple, le palais". Vient ensuite, vers 600 ans avant Jésus-Christ, le roi Crésus qui vit près de la rivière nommée "le Pactole", d'où les expressions "riche comme Crésus" et "toucher le pactole". Cette rivière charrie un alliage d'or et d'argent, et l'on va commencer à recueillir cet alliance, le couler et en faire des pièces que l'on va frapper. "Là ça se met à circuler. J'inscris la créance sur une tablette d'argile, vous pouvez utiliser ce pouvoir d'achat pour acheter de la bière, ça repose sur la confiance individuelle". Le système n'est donc alors qu'un système de créance, basé sur la confiance en l'autre. "La force de la monnaie, c'est que si je vais chez un épicier, je prends ma canette de bière, je pose ma pièce sur le comptoir, je m'en vais. Il ne connaît rien de moi, j'ai ce qu'il veut, il a ce qu'il veut".

"L'invention des pièces, ça va vraiment booster les échanges, il n'y a plus besoin de confiance. On va avoir des grandes exploitations, des monocultures destinées à l'export, ça va forcément profiter de l'apparition des pièces de monnaie". Bouleversements sociaux, explosion des inégalités, enrichissement des uns, appauvrissement des autres, esclavage pour dette, le système doit être réformé. On va "donner de plus en plus de droits aux gens qui se sont enrichis". C'est la révolution hoplitique, qui établit que ceux qui achètent des armes, puis versent leur sang pour la société, ont certains droits. Droits qui vont ensuite être donnés aux rameurs sur les bateaux de guerre. "Ça va progressivement s'élargir et devenir la première démocratie."

"85% de la monnaie, c'est de la masse scripturale"

Sautons quelques siècles. "Dès le XVIIe-XVIIIe siècle, il y a des banques, ça va prendre son essor avec la révolution industrielle, on se met à créer de la monnaie papier et de la monnaie scripturale". "C'est ce qu'il y a d'écrit sur votre compte courant. 85% de la monnaie, c'est de la masse scripturale, les cartes de crédit, c'est un moyen de mobiliser la monnaie qu'on a sur notre compte courant. Si on additionne tous les comptes courants, les ménages, les entreprises, ça c'est la masse monétaire". "Un jeu d'écriture comptable, c'est très facile à créer, ce n'est pas la banque centrale qui va créer la monnaie, ce sont les banques privées". "Fin XIXe, on a 50% de la masse monétaire qui est purement scripturale", "on arrive à créer de la monnaie à partir de rien, c'est la monnaie bancaire, tant que les gens ont confiance, ça fonctionne, c'est toujours vrai aujourd'hui."

"La banque elle crée de la monnaie ex nihilo, vous allez à la banque pour lui emprunter 10 000€, elle va créer la somme à partir de rien, du coup c'est sans limite", même si "cette monnaie sera détruite quand vous rembourserez." "Il faut s'imaginer la masse monétaire comme une sorte de flux, une baignoire qui se remplit en permanence et se vide en même temps en permanence." La banque ne crée cet argent "que si ça va lui rapporter un intérêt." Lorsque l'emprunt se fait pour payer une personne qui se trouve être dans la même banque, il ne s'agit que d'un jeu d'écriture. En revanche, "si vous faites un virement à M. Dupont dans une autre banque, la banque va devoir payer à cette autre banque." Les deux institutions attendront alors la fin de la journée pour prendre en compte tous les paiements et ne se régler que le solde. Ce solde, "c'est de la monnaie émise par la banque centrale, c'est de la monnaie scripturale, donc la banque centrale elle-même crée aussi de l'argent en le payant."

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Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff du lundi au jeudi  à 13h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.

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