Sylvie Brunel, géographe, auteur de "Sa majesté le maïs", éditions du Rocher, évoque le quotidien de l'agriculteur dans le Face-à-face avec André Bercoff.
"L'agriculteur c'est en permanence quelqu'un qui se remet en question"
Sylvie Brunel regrette la souffrance vécue par les agriculteurs. "Ça fait des années que les agriculteurs disent 'on manque de respect, la concurrence est déloyale'. Il y a eu la grande manifestation viticole le 25 novembre dernier." "Ce sont les nouveaux fichés A de la société, on les renvoie toujours au passé ou à des circuits courts, mais il faut nourrir le monde." Pour Sylvie Brunel, cette obsession de maintenir les agriculteurs dans un modèle anachronique n'a aucun sens. "L'agriculture d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celle d'il y a trente ans. L'agriculteur c'est en permanence quelqu'un qui se remet en question, avant on arrosait maintenant on irrigue." "Il faut juste une journée pour remplir tous les réservoirs qui nous permettront de traverser la canicule."
"Il faut garder une agriculture forte en France", plaide Sylvie Brunel, "la France fait encore partie des rares pays qui détiennent l'arme alimentaire" avec "une alimentation de quantité et de qualité." Pour elle, si la France attire les touristes, c'est aussi grâce à sa nourriture, et à ses paysages, qui sont façonnés par les agriculteurs. Pourtant, ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur, notamment par ceux qu'on appelle les néo-ruraux. "Ils viennent à la campagne parce qu'ils la trouvent belle et ils ne supportent pas la réalité, ils ne supportent pas le bruit du tracteur, de voir l'agriculteur avec un pulvérisateur. Ces gens ont tellement bien travaillé qu'on croit que se nourrir de qualité ça tombe du ciel."
"L'agriculteur fait tout ce qu'il peut pour essayer de faire au mieux"
"L'Europe est devenue libre-échangiste mais elle veut faire des agriculteurs français des décorateurs de la nature", regrette Sylvie Brunel. "On a l'impression qu'aujourd'hui elle dit 'soyez excellents mais on va acheter ailleurs', on leur dit 'vous allez continuer à produire mais vous n'allez plus avoir de réserves d'eau'", sans oublier les produits chimiques parfois obligatoires. "Il n'y a pas d'agriculture sans protection des cultures", martèle Sylvie Brunel, qui déplore des objectifs "incompatibles avec la compétitivité". "Le sud de la France c'est les pommes, les tomates, nous faisons venir des pommes et des tomates de plein de pays où l'on utilise plein de produits que nos agriculteurs n'utilisent plus depuis longtemps. On interdit aux agriculteurs de se défendre contre des pressions des insectes qui arrivent. On a des agriculteurs qui nous disent 'sans eau, sans prix rémunérateur, sans machines, on part'."
L'agriculture, comme la France entière, "souffre d'une sur-administration", regrette Sylvie Brunel. "L'agriculteur fait tout ce qu'il peut pour essayer de faire au mieux" mais "il y a vraiment une accumulation de normes, de textes. Vous ne savez pas si vous n'êtes pas coupables, c'est compliqué pour eux." Or, les normes actuelles sont incompatibles avec une pratique apaisée de l'agriculture, y compris en bio. "Même en bio, vous êtes obligé de demander des dérogations par moment." En effet, "il faut quand même comprendre que plus la mondialisation est là plus on a des ravageurs." Or, si certaines innovation de mélanges des cultures et de créations de symbiose sont "très bien en préventif", "quand l'infestation est là, si vous ne traitez pas, vous n'avez pas de récolte."
"Le maïs c'est la première céréale cultivée au monde"
Sylvie Brunel vient d'écrire Sa majesté le maïs, et présente cette céréale méconnue. "Le maïs c'est la première céréale cultivée au monde, l'Europe est la première importatrice de maïs au monde, la France est la première exportatrice de semence au monde." Une place importante car "la semence c'est le nerf de la guerre alimentaire." Malgré tout cela, "en France on adore critiquer le maïs, ce problème est un révélateur du fait qu'on n'a pas compris qu'on restait un grand pays grâce à notre agriculture."
Pourtant, le maïs a tout pour plaire. "Le maïs produit beaucoup plus avec moins d'eau, il y a 1500 utilisations pour un grain de mais." C'est une culture qui "bénéficie du changement climatique parce qu'elle pousse très tard très vite." Il faut seulement cinq mois au maïs pour pousser, ce qui permet d'utiliser le champ à d'autres fins le reste de l'année. "Dans les champs de maïs le sol est à 20 degrés, vous avez des grenouilles, vous avez hélas des sangliers, vous avez de l'ombre." "Le maïs capte énormément de CO2 quand il pousse. Le maïs, le verger, la prairie, ce sont ce qu'on appelle des infrastructures écologiques, mais en plus elles nous nourrissent."
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