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Anne de Guigné : "Les 35 heures ont contribué à la désindustrialisation"

Par Jean Baptiste Giraud

Anne de Guigné, grand reporter au Figaro et auteure de "Ils se sont si souvent trompés: 10 grandes erreurs politiques qui ont bouleversé l'économie mondiale" (Éditions du Rocher), était l'invitée de "Bercoff dans tous ses états" le 22 juin 2023 sur Sud Radio.

Anne de Guigné
Anne de Guigné, invitée d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Pour Anne de Guigné, pour adopter les 35 heures, le gouvernement de Lionel Jospin avait choisi le pire moment. Cette décision a notamment précipité la désindustrialisation de la France.

 

Anne de Guigné : "En Russie, Nicolas Ier croyait à une corrélation entre le mouvement libéral et la multiplication des usines"

Les politiques devraient-ils avoir des notions d’économie ? "Je pense qu'il faut vraiment un minimum. Je pense qu’un bon politique doit maîtriser ce que lui disent ses conseillers. Dans le monde actuel, l'économie est si importante… C’est complexe certes, mais sa complexité vient non pas du côté quantitatif. C’est une science humaine", a répondu Anne de Guigné.

L’absence de compréhension de ce qu’est la mécanisation du point de vue économique a déjà causé une catastrophe dans l’histoire. "C'est presque touchant quand on connaît la suite de l’histoire. Nicolas Ier, c'est quelqu'un d'intéressant, qui a souvent été caricaturé comme un tsar obtus, fermé. Mais ce n'est pas vrai, il a fait beaucoup pour les artistes. Dans sa jeunesse, il vit la révolution 1848 en Europe occidentale. Il est complètement tétanisé à l'idée que ce mouvement libéral arrive en Russie. Et il a un ministre qui n'aide pas beaucoup à bien réfléchir. Ils font cette analyse assez simple de se dire qu'il y a une corrélation parfaite entre ce mouvement libéral et la multiplication des usines liée au début de la révolution industrielle. Et donc ils ont une idée de génie de se dire ‘on va limiter les usines, et on ne sera jamais touché par toutes ces mouvements libéraux’. Et il y a des lois incroyables 1849-1850 qui encadrent l’ouverture des usines. À l’époque, en Russie, il y avait une aristocratie qui s’appuyait sur les serfs. Donc, en 1861, à la libération des serfs, vous avez beaucoup de paysans qui sont libérés, des gens très pauvres. Et vous n'avez pas de classe moyenne qui aurait pu soutenir un régime plus libéral. Et on connaît l'histoire : tout ça explose", a raconté Anne de Guigné.

"La gauche avait besoin d’un totem marqué à gauche, c’étaient les 35 heures"

Et en France, les 35 heures, était-ce idéologique ? "Oui, je pense que quand on voit le calendrier politique, à un moment donné, vous avez Chirac qui s'est avancé sur un agenda très social. La gauche a besoin d’avoir un totem marqué à gauche, cela va être les 35 heures. Après, on voit que c'est un débat de fond qui revient aujourd'hui avec la semaine de quatre jours. Et c'est un débat très intéressant, c’est un débat sur la place du travail dans la société, dans nos vies.

Mais les 35 heures obligatoires pour tout le monde au moment où on rentre dans l'euro, où la Chine arrive dans l'OMC… je pense vraiment que c'était catastrophique pour la France. Après, la corrélation avec la désindustrialisation, elle n'est pas mécanique, on l'a faite parce que c'est le même calendrier. Je pense que les 35 heures ont participé à la désindustrialisation, la France a complètement perdu en compétitivité. À un moment donné, la compétition est devenue très forte. L'Allemagne, elle, a pris le chemin inverse et nous passait devant de manière assez abyssale."

 

"Très peu de gens assument de dire 'je me suis trompé et voilà pourquoi'"

"Le vrai problème, c'est que le politique doit prendre la responsabilité de ça parce que c'est lui qui tranche. Et le problème, c'est qu'on a l'impression que les décisions sont prises, et après elles sont diluées. On ne sait plus du tout. J’appelle ça l’irresponsabilité illimitée. C’est sans aucun doute une des explications de la crise démocratique actuelle. Quand vous élisez n'importe qui, tout le monde fait la même chose, nous ne voyez pas trop ce que font les gens… Et très peu de gens assument de dire ‘je me suis trompé et voilà pourquoi’. Et la question de responsabilité se diffuse dans absolument toute la société. Vous savez, Winston Churchill a dit lui-même : ‘j'ai été le pire ministre des Finances’. L'objectif de mon bouquin n’est pas de dire ‘ils sont tous nuls’, mais l'erreur est une manière intéressante de parler de nous, de la politique économique. Et se tromper, c'est complètement normal."

 

 

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