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Cyril Duvert : "En 2007, les musulmans pensaient avoir une oreille attentive de la justice"

Par Jean Baptiste Giraud

Cyril Duvert, auteur du livre "Le foulard et la balance, Une histoire juridique de l'islam en France" (Éditions Passés Composés), était l'invité de "Bercoff dans tous ses états" le 3 mai 2023 sur Sud Radio.

Cyril Duvert
Cyril Duvert, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Comme l’explique Cyril Duvert, au cours de ces dernières décennies, les différentes affaires en lien avec l’islam sur lesquelles la justice a eu à se prononcer ont soulevé d’autres questions de droit.

 

Cyril Duvert : "En 2007 il existait un état de droit qui était favorable à la réparation des offenses au sentiment religieux"

Lors de la première affaire Charlie Hebdo en 2007, le tribunal a dû mettre sur la balance la représentativité des plaignants (qui étaient regroupés dans une association) et l’existence ou non du délit d’atteinte au sentiment religieux. "Concernant Charlie Hebdo, avant les attentats, il y a eu un procès, c’était en 2007. Avec une logique criminelle, des poursuites etc. Ce qui est intéressant dans cette affaire de 2007 pour le juriste que je suis, c’est qu’il y a un traitement judiciaire de ce dossier. Les musulmans qui s’estiment offensés passent par la voie de la démocratie, de la procédure en se disant : ‘on se sent offensés’. À l’époque il existe un état de droit qui est favorable à la réparation des offenses au sentiment religieux. Donc, ils ne le font pas pour rien. Ils pensaient avoir une oreille attentive. Car à l’époque il y avait des décisions de justice qui condamnaient des artistes et autres pour atteinte au sentiment religieux des catholiques.

La question est de savoir si les gens qui agissent en justice peuvent légitimement prétendre représenter l’ensemble des croyants. Il y a tous ceux qui se fichent complètement de ce qui est présenté comme une atteinte, et ceux-là, on ne les entend pas bien évidemment. Et puis il y a ceux qui s’estiment blessés par les caricatures individuellement, mais qui n’iront pas engager un procès. Lorsqu’une association se présente, se pose la question de sa représentativité. Avec Charlie Hebdo la question n’a pas été discutée. Mais après, il y a le fond, à savoir vraiment le litige en cause. Ce qui s’est passé dans cette affaire a été extrêmement médiatisé, et on comprend pourquoi. Au point qu’il y avait des candidats à l’élection présidentielle qui se présentaient à la barre pour témoigner en faveur de Charlie Hebdo. On sentait donc un certain poids sur les épaules du tribunal. Le tribunal finit donc par dire : ‘certes les caricatures peuvent être blessantes, mais ce n’est pas une incitation à la haine contre les musulmans puisqu’on dénonce les dérives de l’islamisme’. Et le second point consiste à dire que ça participe à un débat d’intérêt général sur les dérives de l’islamisme", a raconté Cyril Duvert.

"Dans l’affaire Baby Loup on doit avoir en tête la distinction entre droit privé et droit public"

Concernant l’affaire Baby Loup, le tribunal a eu à trancher sur le caractère obligatoire ou non du respect de la laïcité dans une crèche, qui n’est pas un service public mais une entreprise privée. "L'affaire Baby Loup est intéressante parce que c’est un marathon judiciaire : l’affaire va durer 5 ou 6 ans, entre le licenciement de la nounou et la décision finale. Et à certaines étapes de la procédure ça va occuper l’opinion. Dans l’affaire Baby Loup on doit avoir en tête la distinction entre droit privé et droit public. Dans une entreprise, on est dans le champ du droit privé, une entreprise est privée. Et là c’est une entreprise privée. Qui certes rend un service qui peut ressembler à un service public, mais qui n’en est pas un officiellement, c’est une crèche qui propose un service de nounous. Dans ce cadre, l’employeur et les personnes qui vont prendre fait et cause pour cet employeur vont plaider devant la Cour de cassation qu’une entreprise privée peut être amenée à imposer la laïcité à ses salariés.

Dans une entreprise, il y a le règlement intérieur, c’est que le chef d’entreprise peut imposer à ses salariés. Mais le règlement intérieur doit refléter ce que sont les salariés. Ce n’est pas parce qu’on est salarié qu’on perd toutes nos libertés, les éléments de notre personnalité etc. Bref, il y a un équilibre à respecter. La question est donc de savoir ce que peut imposer ou pas un règlement intérieur", a expliqué Cyril Duvert.

 

 

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