Fabrice Epelboin, spécialiste de l'influence sur les réseaux sociaux et Arnaud Dimeglio, avocat spécialisé en droit numérique et de la communication, reviennent dans « Bercoff dans tous ses états » sur le DSA (Digital Service Act). Il s'agit de la loi européenne de régulation des réseaux sociaux entrée en vigueur le vendredi 25 août 2023.
Le DSA n'a pas eu la prétention d'unifier la modération ou la censure
Fabrice Epelboin, spécialiste de l'influence sur les réseaux sociaux, reconnait le DSA comme une « mesure indispensable parce qu'il y a bien un moment où la force publique va devoir reprendre la main sur ce qu'on pourrait qualifier d'enclave étrangère. On est sur des enclaves américaines qui, petit à petit ces 15 dernières années, ont pris une part de plus en plus importante dans le débat public. Les Chinois ont cet avantage qu'ils nous ont permis de prendre conscience qu'on était dans une problématique de perte de souveraineté totale. Tant que c'étaient les Américains, ça ne préoccupait pas grand monde. Une fois que ce sont les Chinois qui se sont mis à jouer à ce jeu-là, tout d'un coup, tout le monde a réalisé l'ampleur du problème. Et par ricochet on s'est aperçu que ce n'était pas une très bonne idée d'avoir une grande partie de notre opinion publique qui se trouvait aux États-Unis. Le DSA se propose de reprendre la main sur un espace de débat qui, depuis maintenant 15 ans, est américain, il faut être honnête ».
« Le DSA n'a pas eu la prétention d'unifier la modération ou la censure, c’est une question de point de vue, sur l’ensemble du continent européen. On a délocalisé cette capacité à distinguer le vrai du faux, à distinguer le bien du mal. Tout ça se fait au niveau des nations, ce qui quelque part est un constat d'échec pour les valeurs européennes. Il y a une délégation auprès de chaque nation. En France c'est l'ARCOM. L’ARCOM va s'appuyer sur un réseau de signaleurs de confiance. Les citoyens de leur côté pourront aussi participer à cet effort de dénonciation ».
« Mais les signaleurs de confiance auront un poids bien plus important. Et ça va résulter dans des mécanismes qui restent un peu obscurs dans la suppression de contenus. Ou peut être le fait que certains contenus auront moins de possibilité que d’autres. Rappelons que la modération algorithmique n'est pas autorisée par le DSA. Ça devra être de la modération humaine ».
« Les GAFA nous ont complétement envahi »
« De manière générale, je trouve que c'est bien qu'il y ait une réglementation qui vise à contrôler et à contrecarrer la montée des GAFA et des plateformes, parce qu’on voit qu’elles nous ont complètement envahi » explique Arnaud Dimeglio, avocat spécialisé en droit numérique et de la communication. « Il fallait dire stop à cette invasion, parce que ce sont des entreprises qui regardent parfois plus leurs intérêts financiers que notamment la liberté d'expression ».
« De mon point de vue, il y a un problème parce que ce règlement il contient des bénéfices mais aussi des risques. On le présente souvent sous l'angle des bénéfices mais je pense qu'il faut aussi parler des risques. Et parmi ces risques-là effectivement, on a reconnu aux plateformes, donc aux GAFA, la possibilité de modérer les contenus sur le fondement de leurs conditions générales. Ça fait qu'on reconnaît un pouvoir à ces GAFA de faire la loi. Parce qu'à partir du moment où ils sont en position dominante, c’est qu’on reconnait leur possibilité de légiférer en réalité sur le territoire européen. Parce qu'ils vont pouvoir dicter ce qui est licite et ce qui est illicite sur le fondement de leurs conditions générales ».
« De mon point de vue, c'est ça peut-être que je trouve le plus dangereux dans ce règlement. Il aurait peut-être fallu prévoir une neutralité, c'est-à-dire que les GAFA ne pourraient pas créer de règles supplémentaires à celles que les États ont adoptées ».
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