Jean-François Raux, ancien directeur général de l’UFE (Union Française de l'Électricité), vient expliquer les coulisses du prix de l'électricité dans le Face-à-Face d'André Bercoff.
La hausse de l'électricité est due à "un retour au montant antérieur des taxes"
Alors que Bruno le Maire vient d'annoncer une augmentation du prix de l'électricité de moins de 10%, comme il l'avait promis, Jean-François Raux nuance la hausse qui "est simplement un retour à une électricité normale". "C'est pas une augmentation des taxes, c'est un retour au montant antérieur des taxes, en gros, l'accise est passée de 32 à moins de 1, c'est ce qu'on a appelé le bouclier tarifaire, c'est-à-dire que l'État a baissé les taxes sur l'électricité pour protéger le bouclier tarifaire. L'État a demandé aux contribuables de subventionner le consommateur d'électricité." Un choix qui a coûté cher car, si tout le monde consomme de l'électricité, tout le monde ne paie pas d'impôts. "Le transfert n'était pas neutre, surtout sur le plan fiscal pour l'État, le quoi qu'il en coûte en électricité a coûté très cher."
Si l'État veut maintenir ses recettes fiscales actuelles, le consommateur ne doit de toutes manières pas s'attendre à des baisses de taxes. "Il ne faut pas oublier non plus que les taxes sur le pétrole vont baisser, non pas en niveau mais en revenus parce que les consommation de fossiles vont baisser dans les années qui viennent, que c'est une énorme ressource et qu'il faut le compenser", prévient Jean-François Raux. Néanmoins, le système de taxation actuel n'a pas grand sens si l'on considère que l'électricité doit être privilégiée par les consommateurs. "Quand on regarde la taxe sur le gaz, elle est inférieure à la taxe sur l'électricité, c'est aberrant pour le même type de taxes."
"L'erreur colossale, à la base c'est l'Allemagne qui l'a faite"
Au-delà des taxes, les prix de l'électricité sont liés à des choix européens, et surtout à "une erreur colossale de l'Allemagne sous Merkel qui était l'abandon du nucléaire et le choix du tout-gaz russe". "L'erreur colossale, à la base, c'est l'Allemagne qui l'a faite pour remplacer le charbon. Si on avait gardé le nucléaire, on n'aurait pas eu ce problème." Or, "le choix stratégique de l'Allemagne est couvert par l'Europe", d'autant que "la Commission européenne est peu appétente au nucléaire." Pour cela, les prix ont été organisés "sur le plus mauvais mix énergétique", à savoir celui contenant du gaz, et "tout le monde a raconté la fable 'le gaz sera remplacé par l'hydrogène'."
Mais avec la guerre en Ukraine, "on s'est retrouvé avec une montée des prix du gaz qui était colossale, le prix du gaz, aujourd'hui, est redescendu. Il est monté à 342€/Mwh, puis est redescendu à 73. Le prix du gaz revient à des niveaux qu'il avait avant la crise." Or, pour un pays comme la France qui pourrait bénéficier d'une énergie décarbonée et très peu chère, "le prix du gaz, c'est dur à avaler en termes de cause, ça c'est la mise en place du marché européen". "À l'époque du monopole, les tarifs étaient calculés sur les coûts, on avait quand même une base solide et sérieuse, avec des tarifs qui étaient extrêmement performants, on était sur la base de coûts réels, constatés."
"Une concurrence à la production" d'électricité
Alors le marché européen, et plus largement la concurrence, est-il ce qu'il faut abattre ? "La concurrence sur l'électricité a été adoptée au niveau européen autour des années 2000-2005". "Est-ce qu'on pourrait maintenir aujourd'hui un monopole performant, je ne suis pas sûr", avertit Jean-François Raux qui déplore une "destruction de compétences". "Ce qui est certain, c'est qu'une concurrence uniquement sur la commercialisation ne sert pas à grand-chose ; ce qui serait très efficace, ce serait une concurrence à la production." Il se félicite que Patrick Pouyanné, PDG de Total, soit "en train de constituer une concurrence sérieuse à la production. Il a récupéré une centrale gaz, il a viré les équipes qui étaient purement trading, on faisait de la concurrence à coup de droit de la concurrence."
Cette concurrence pourrait permettre de retrouver des prix plus sains, et donc de réindustrialiser la France. "La clé, c'est d'attirer des entreprises étrangères en France et de veiller à ce que les entreprises carbonées passent à des process à l'électricité dès que c'est possible. La réindustrialisation est la clé, le problème de la France est de retrouver des prix de l'électricité qui permettent aux industries de vivre et aux particuliers de se chauffer à des coûts corrects". "Il faut qu'on arrive à reconstruire quelque chose qui permette aux Français de profiter du parc électrique français."
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