Fabrice d'Almeida publie un nouveau livre, "L’histoire mondiale des riches" (Éditions Plon).
Fabrice d'Almeida : "Souvent, pour influencer le pouvoir politique, les riches industriels vont mettre des hommes de paille, des mariages de familles"
Même si les riches ont existé tout au long de l’Histoire, il semble logique de commencer en 1860, au moment de l’abolition des barrières douanières entre la France et l’Angleterre. "Napoléon III et l’Angleterre victorienne signent un traité en 1860 pour abaisser les droits de douane. On peut désormais faire circuler les marchandises librement. Ce n’était jamais arrivé à ce point-là. On a la vapeur qui permet d’aller d’un continent à l’autre. En 1866, on tire un câble au fonds de l’Atlantique, on peut faire passer des messages télégraphiques. Krupp et Thyssen achètent une partie de leur charbon en Amérique latine, ils importent une partie de leurs minerais d’Afrique, ils font venir tout ça dans leur gigantesque usine en Allemagne avec des centaines de milliers d’ouvriers. Pareil pour Schneider. Et ces gens-là font une fortune colossale indépendamment du pouvoir politique. Et c’est là que c’est intéressant parce que ça pose la question de savoir où se trouve le vrai pouvoir."
Les riches industriels, influençaient-ils le pouvoir politique ? "Au début, ils sont très, très prudents, Ils ont peur qu’il y ait un effet de retour. Souvent, pour influencer le pouvoir politique, ils vont mettre des hommes de paille, des mariages de familles (c’est le cas notamment en Amérique latine, au Brésil), où les grandes familles vont peser sur le pouvoir politique. C’est le cas en Europe, où les grandes familles comme Krupp ont une relation directe avec l’empereur. C’est l’empereur Guillaume III qui va trouver le mari de Bertha Krupp, une orpheline qui, par la suite, va gérer l’immense empire Krupp."
"Le monde a complètement changé grâce à la finance"
"La fin des années 1970 et le début des années 1980, c’est un vrai tournant, c’est le développement de la Bourse à l’échelle mondiale. Sur chaque fuseau horaire, il y a une Bourse, et l’argent tourne de façon planétaire, de Paris à Shanghai. Cela va permettre de drainer des capitaux d’une manière incroyable, d’effectuer des investissements colossaux. C’est ça qui va conduire à terme à l’économie numérique. Cela fait qu’aujourd’hui, comme jamais avant dans l’histoire de l’humanité, on a autant de riches à l’échelle mondiale. Pensez à la Chine : zéro milliardaire en 1990, aujourd’hui, le pays en compte 2.200. La Russie, zéro milliardaire en 1990, aujourd’hui, elle en a plus de 80. Pareil en Afrique : le continent compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliardaires. On est dans un univers qui a complètement changé grâce à la finance.
Pour les gens de la Silicon Valley, être riche, ce n’est pas la même chose que pour nous (pouvoir se permettre des vêtements de luxe). Pour eux, c’est pouvoir circuler librement, pouvoir partir dans un endroit où on va avoir une nature immaculée, seulement pour soi, sa petite île, son gigantesque ranch au milieu du désert, où il n’y aura ni solliciteurs ni emmerdeurs. Et puis, ce sont des gens qui ont besoin de la vitesse, ce sont des gens qui vivent à 100 à l’heure. Cela n’a d’ailleurs pas toujours été le cas. Au 19e siècle, ils avaient les moyens d’aller vite, mais ils appréciaient de pouvoir aller à leur rythme", a raconté Fabrice d'Almeida.
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