Durant son premier quinquennat, Emmanuel Macron a pu compter sur une majorité indéniable à l’Assemblée nationale, avec son parti, LREM. Cette machine à gagner les élections, composée des déserteurs des anciens partis majoritaires, qu’étaient Les Républicains et le Parti socialiste, a aidé le chef de l’État à deux reprises : pour gagner le scrutin présidentiel de 2017, et pour remporter les élections législatives qui ont suivi. En sera-t-il de même cette année ?
Macron, "cela fait longtemps que je n’y crois plus"
On sait la communication très verrouillée autour du président de la République. Qu’en est-il de LREM ? Il arrive parfois que certaines voix s’élèvent. Des "petites" voix qui pourtant peuvent faire du bruit. C’est le cas de Frédérique Dumas. En 2017, elle rejoint le parti d’Emmanuel Macron, y voyant un espoir nouveau. Quelques années plus tard, et après un certain nombre de déceptions, elle finit par quitter En marche avec une volonté d’émancipation politique. Elle raconte ce qu’elle a vu, entendu, vécu de l’intérieur dans un livre, Ce que l’on ne veut pas que je vous dise – Récit au cœur du pouvoir (éd. Massot).
"J’ai quitté en septembre 2018. Cela fait longtemps que je n’y crois plus. Emmanuel Macron parle de renaissance. C’est avouer que pendant cinq ans, on a fait l’inverse de ce que l’on annonce aujourd’hui. C’est tout de même très triste. Il n’a pas créé les conditions pour renaître. C’est un nouvel endormissement. Et je ne suis pas sûr qu’il tienne. Tout ce qu’il exprime aujourd’hui passe plutôt pour de la communication", explique Frédérique Dumas sur Sud Radio.
Emmanuel Macron ou la volonté de gagner, pas de gouverner
Productrice de cinéma, Frédérique Dumas baignait dans la politique depuis un moment, toujours au service de la culture. Mais elle a choisi, avec LREM, d’y aller à 100%. "J’ai fait partie de ceux qui ont cru que mon idéal allait être porté à 100% par Emmanuel Macron, que je pouvais y aller, devenir députée. Ce qui m’avait frappé, c’est qu’il s’était battu contre le 49-3. Il a essayé, contre la méthode de Valls, de passer du temps au Parlement, de convaincre. Tout ce qu’il a décrit dans son propre livre était une tactique pour gagner, pas pour gouverner. Dès qu’il est arrivé au pouvoir, il a mis en place quelque chose de totalement différent de ce qui était décrit dans son livre", précise l’ancienne députée LREM.
Assez rapidement pourtant, après l’élection d’Emmanuel Macron, Frédérique Dumas commence à percevoir ce qu’elle appelle des signaux faibles. "Il a présenté les statuts d’En Marche pour qu’ils soient votés en juillet 2017. Je vois arriver les statuts et j’hallucine. Personne n’est élu, tout le monde est nommé par le siège. Et sur le terrain, il y avait plein de petits comités qu’on laissait se battre entre eux. C’était diviser pour mieux régner. En Marche n’existait pas. Et tant mieux pour Emmanuel Macron, car si En Marche existait cinq ans après, il n’aurait jamais pu changer d’électorat", lance-t-elle.
"Un décor de théâtre artificiel à tous les niveaux"
L’ancienne parlementaire LREM reconnaît que la Vème République n’est pas exempte de critiques au sujet des dérives du pouvoir. "C’est aussi la personne qui l’incarne qui peut dériver beaucoup plus", précise-t-elle, au micro d’André Bercoff. Deux choses l’ont poussé, en 2018, à quitter LREM après un an seulement. "La première, c’est que tout était décidé à l’Élysée. Par Alexis Kholer. Et puis, l’absence d’exemplarité. J’y croyais, et arrive l’affaire Benalla. […] J’ai eu cette intuition qu’il fallait que je sorte de là. J’ai parlé dans mon interview au Parisien du Titanic. Emmanuel Macron nous amène droit sur l’iceberg", lance Frédérique Dumas.
Dégoûtée, Frédérique Dumas publie aujourd’hui son livre dans lequel elle raconte tout. Avec cette volonté de passer à autre chose. "Il n’y a plus de contre-pouvoir et plus de garde-fou. Sur le plan des institutions, le Parlement ne fait plus la loi. Il n’est plus qu’une chambre d’enregistrement. C’est le gouvernement qui fait la loi. On est dans un décor de théâtre artificiel à tous les niveaux", conclut-elle. Une aventure politique avortée rapidement, mais qui lui permet de témoigner de la réalité de l’envers du décor.
Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.
Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff chaque jour à 12h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.