"En fait, nous sommes sans arrêt dans l’immédiateté des actions et des réactions sur le conflit ukrainien juge Caroline Galactéros. Ce qui se passe derrière, à cette occasion, et qui est accéléré par l’opération russe mais également par tout ce qui l’a précédée, tout ce qui l’a préparée, c’est une bascule du monde beaucoup plus globale. Elle était en germe depuis déjà des années. Là, elle prend un coup de fouet, un coup de cravache" explique-t-elle à propos du tournant géopolitique du monde.
"Cette bascule du monde, c’est finalement la contestation de plus en plus organisée, poursuivie méthodiquement, entreprise d’un ordre occidental, à la fois politique mais aussi économique et financier. Ceci ne correspond plus à la réalité du monde juge-t-elle. L’Occident a un peu pris ses désirs pour des réalités après la fin de la guerre froide."
Géopolitique : il y a eu "une dégradation de la sécurité en Europe"
"On est maintenant au bout d’une longue ligne. Cela a mis quelques décennies où on s’est imaginé que l’hégémonie occidentale, avec comme puissance de tête l’Amérique, pourrait se poursuivre et que le monde s’y ferait. Or, il s’est passé beaucoup de choses depuis 1991. Il y a eu, à mon avis, une autre ligne, mais qui ne se voit pas, et dont on ne parlait pas et qu’on a gentiment recouvert de tout un tas d’arguments moralisateurs d’un grand cynisme."
"C’est cette ligne de discrédit moral et politique de l’Occident, notamment à travers toutes ces interventions qui ont eu lieu depuis 1991. Syrie, Serbie, Yémen, etc. Cela ne s’arrête pas. Et aujourd'hui en Ukraine. Il y a des courants, il y a des tendances, etc. L’Ukraine fait suite à l'invasion russe, bien sûr. Il y a eu l’invasion d’un État souverain. C’est évident. Mais cette invasion russe, cette action que nous percevons comme une pure agression sortie toute armée de l’esprit malade et maléfique du président russe, est quand même le résultat d’un long processus de dégradation de la sécurité en Europe" explique la géopolitologue.
Il y a une "résurgence de puissances régionales"
"On est dans la Méthode Coué en termes de puissance et d’influence. En pratique, on est très bon juge Caroline Galactéros. On est dans une déconnexion, surtout avec les Européens. Les Européens ne se rendent pas compte de la nasse dans laquelle ils sont en train de se mettre, en suivant l’Amérique. On est dans une déconnexion totale de la réalité des évolutions des lignes de force du monde. Avec bien sûr l’émergence de la Chine. Mais aussi à cause de la résurgence de puissances qu’on dirait régionales, comme la Turquie, l’Iran, comme certaines puissances africaines, ou pour la Russie globale."
"Nous avons les Russes qui après cette décennie catastrophique de leur point de vue, des années 90, sont repartis à l’assaut de leur puissance perdue. On voit bien aujourd’hui qu’en dépit du monceau, du tombereau de sanctions dont on les agonise jours après jours, malgré tout, ces lignes de puissance, de volonté de puissance et de refus de la marginalisation mondiale et géopolitique, elles sont toujours là et elles s’expriment" indique-t-elle.
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