Maître Gérald Pandelon fait valoir que le parlement n'a pas de véritable pouvoir législatif, in fine c'est le Conseil constitutionnel qui décide du devenir de tel ou tel projet de loi.
Gérald Pandelon : "La démocratie ne s'exerce plus en fonction de la volonté du peuple"
Comme l'explique Gérald Pandelon, le Conseil constitutionnel a raflé la prérogative de l'exercice du pouvoir. "Sans vouloir dramatiser une situation qui m'apparaît déjà assez grave, je crois qu'on assiste tout simplement à la mort du peuple français, ce que les juristes constitutionnalistes nomment 'le pouvoir constituant originaire'. Une décision du Conseil constitutionnel qui date du 6 novembre 1962 : la loi référendaire visant à faire en sorte que le président de la République soit élu au suffrage universel direct. Que dit cette décision ? Que désormais, la démocratie s'exerce non pas en fonction de la volonté du peuple, pouvoir constituant originaire, mais uniquement au regard de la Constitution. Ce qui signifie qu'on assiste à ce que le philosophe Jürgen Habermas nommait 'le patriotisme constitutionnel'. Tout est sacrifié à la norme constitutionnelle interprétée bien souvent, qu'on l'accepte ou non, d'une façon très idéologique par le Conseil constitutionnel. Puisque, d'une certaine manière, et de plus en plus, on peut soutenir la thèse selon laquelle le Conseil constitutionnel tient la plume du législateur. Cela, parce qu'il peut faire ce qu'on appelle des réserves d'interprétation directives. En gros, pour le dire très simplement, 'ça, ça ne me plaît pas, c'est écarté; ça, ça me plaît, je le laisse passer'. Mais n'oublions pas quand même que ce sont des textes qui ont déjà été votés, en termes identiques bien souvent, par le Sénat et l'Assemblée nationale. Donc ma question que je soulève dans ce livre est : quelle est aujourd'hui la part prépondérante qu'on puisse attribuer au peuple français ?"
"Les neuf du Conseil constitutionnel peuvent annuler ce qu'ont décidé les représentants du peuple"
En d'autres mots, les neuf du Conseil constitutionnel peuvent annuler ce qu'ont décidé les représentants du peuple que sont les députés et les sénateurs… "Absolument, c'est ça. Et les députés ou sénateurs ne peuvent pas faire appel. La question prioritaire de constitutionnalité est une voie d'exception. Mais d'une manière générale, le contrôle du Conseil constitutionnel est un contrôle avant que la loi ne soit édictée. Ce qui signifie que c'est à ce moment-là que 60 députés ou 60 sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel dans l'hypothèse où ils estimeraient qu'un texte voté par le parlement ne correspondrait pas à leur idéologie du moment. Et pour moi, c'est très grave. Si on avait fait du Conseil constitutionnel uniquement un organe consultatif, comme le Conseil d'État (car le gouvernement consulte le Conseil d'État pour avis)… c'eût été légitime. Mais là, il y a de plus en plus un décalage, un découplage entre la légalité et la légitimité. D'ailleurs, parmi les neuf Sages, tous ne sont pas spécialistes [du droit]", a expliqué Gérald Pandelon.
En quoi consiste la judiciarisation croissante du système que Maître Gérald Pandelon évoque dans son livre ? "La juridictionnalisation croissante de la vie sociale tend de plus en plus à techniciser des sujets qui auraient dû rester d'essence politique. Le droit à la fraternité, par exemple. Lorsque, dans une affaire qui date déjà de 2018, un migrant, sans doute un malheureux, mais il n'avait pas de papiers… a demandé asile à une personne, cette personne l'a recueilli. Une action a été portée devant le Conseil d'État, qui a donmé raison à l'hébergeur. Ça veut dire qu'à un moment donné, on peut légitimement se poser la question de savoir quel est désormais le rôle du parlement."
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