La natalité est en chute libre dans les pays occidentaux. Comment l'expliquer ?
Marie-Estelle Dupont : "Aujourd'hui, on avorte à peu près l'équivalent de la ville de Lille tous les ans en France"
Pourquoi faisons-nous aussi peu d’enfants ? "Ce n'est pas qu'une question de fertilité puisque il y a en parallèle un chiffre qui augmente, c'est celui des avortements. Aujourd'hui, on avorte à peu près l'équivalent de la ville de Lille tous les ans en France. C'est environ 215.000 bébés. Il y a plusieurs raisons à ce phénomène. D'abord, ce phénomène, il est occidental, il n'est pas mondial. La baisse de la natalité, elle est occidentale. Et depuis la crise sanitaire, on est en train de se rapprocher d'un solde négatif. L'Occident ne fait plus de bébés, pour moi, c'est un des symptômes d'une maladie collective de dépression et presque de suicide programmé de l'Occident. Parce que quand on veut avancer… Le progrès aujourd'hui, c'est d'avancer sur l'avortement, d'avancer sur le contrôle de natalité, d'avancer sur l'euthanasie. C'est-à-dire que tout ce qui et anti-vie apparaît comme un progrès. On a basculé dans l'écueil de la technologie au détriment de la spiritualité et de l'espérance et de la transmission. Je pense que la première explication à ça, c'est la profonde déspiritualisation de l'Occident. Quand vous regardez les familles qui font encore beaucoup d'enfants, c'est des familles qui ont une transcendance. Cela ne veut pas dire qu’ils vont à la synagogue, à la mosquée ou à l'église tous les samedis, vendredis ou dimanches. Ça veut dire qu'il y a une espérance. Il y a une croyance dans quelque chose de plus grand qui les dépasse. Tant que l'homme peut s'inscrire dans un tout dont il n'est pas le centre, dont il n'est pas le maître, il a une espérance. Il a envie de transmettre la vie.
Pour le dire un peu grossièrement, depuis la Deuxième guerre mondiale, on a réduit la transmission au patrimoine. On a sombré dans une anthropologie et une vision de la vie extrêmement matérialiste et une définition extrêmement matérialiste de l'existence dont parlait Bernanos en disant : ‘Maintenant, l'homme se résume à un consommateur et un contribuable'. C'est-à-dire qu'on a une définition chiffrée, algorithmique de l'être humain, qui, finalement n'a même plus besoin de penser, de rêver, de croire. C'est ces comportements qui le définissent, et il doit rentrer dans une logique statistique. Donc, une vision très matérialiste de l'existence, elle ne pousse pas à faire des enfants. Parce que s'il y a bien quelqu'un qui vient vous déranger dans votre confort, dans vos certitudes, dans votre croyance que vous êtes le maître de tout, c'est l'enfant. Vous pouvez éviter l'incertitude. Vous pouvez éviter le doute tant que vous n'avez pas d'enfant en vous organisant une vie confortable. L'enfant, il vient faire exploser le contrôle, puisque l'enfant, il jaillit. Il vous fait changer de centre de gravité. Vous n'êtes plus le centre de gravité de votre existence. Vous avez ce petit être totalement dépendant de vous et totalement vulnérable. Totalement mystérieux, parce que l'enfant qui naît n'est pas l'enfant que vous avez fantasmé. Il y a un écart, on en parle dans la master-classe - il y a un écart entre l'enfant rêvé et l'enfant réel. Et donc, il vient nous frustrer", a répondu Marie-Estelle Dupont.
"Dans certains pays, après un accouchement, la jeune femme doit rester couchée et bouger le moins possible"
Marie-Estelle Dupont anime des formations qui s’appellent "Le mois d’or". De quoi s’agit-il ? "Le Mois d'or, c'est un institut de formation qui aide les professionnels de l'enfance et les jeunes parents à traverser cette période. Le mois d'or, c'est le mois qui suit le postpartum. On aborde le retour à la maison avant que la femme ne se remette de son accouchement complètement. Dans certains pays d'ailleurs, la jeune femme doit rester couchée et bouger le moins possible, à part certains mouvements pour remettre son bassin de l'accouchement. Donc, on voit bien comment notre temporalité moderne, où, au bout d'une semaine, il faut être debout, remettre des talons, etc., n'a aucun sens sur le plan physiologique."
"Les hommes aussi sont cordialement invités aux ateliers pour apprendre à nous protéger s'ils nous voient nous faire agresser dans la rue"
Le 15 décembre 2024, Marie-Estelle Dupont est intervenue dans une master-classe de trois heures. De quoi s’agissait-il ? "Claire Geronimi avait été agressée en novembre 2023 en rentrant en plein après-midi chez elle. Elle a été agressée par un homme qui était sous OQTF. Elle a été violée. Et Claire, comme un certain nombre de femmes qui vivent des violences ou d'hommes qui vivent des violences, a trouvé aussi une forme de résilience dans le fait d'aider d'autres personnes. Comment ? En créant son podcast 'Éclats de femme', auquel j'ai participé. Et hier, elle nous a offert un magnifique atelier dans un dojo du cinquième arrondissement, près de la Mutualité, où je suis intervenue sur la question du traumatisme et comment on se remet d'un traumatisme. Et puis, il y avait un avocat et un cours de self-defense. C'était très chaleureux, on était une cinquantaine. Et on a pu apprendre les premiers gestes : comment se défaire quand quelqu'un bloque votre poignet pour au moins, en cas de contact non désiré dans la rue, on ne soit pas sidéré par la peur et qu'on soit à même d'avoir les bons réflexes. De prendre du recul, de regarder autour de soi si on ne va pas tomber.
Il y avait des hommes hier, parce que les hommes aussi - on se plaignait du fait qu'aujourd'hui, il y a la question des prédateurs. Mais il y a aussi la question des hommes passifs qui ne font rien. Et donc, les ateliers sont ouverts aux hommes d'abord parce qu'il arrive que les hommes se fassent agresser, même si on parle plus des femmes, puisque statistiquement, c'est plus souvent les femmes qui sont victimes d'agressions sexuelles. Mais les hommes aussi sont cordialement invités aux ateliers pour apprendre à nous protéger s'ils nous voient nous faire agresser dans la rue, ou se défendre eux-mêmes quand ils sont agressés", a expliqué Marie-Estelle Dupont.
Pourquoi la plupart des hommes n’interviennent pas quand ils voient quelqu’un en train d’être agressé ? "Il y a plein de raisons pour lesquelles ils n'agissent pas. Il y a la question du courage physique. Et ça, la question du self-defense est une réponse. Parce que quand vous n'avez pas peur du contact, quand vous avez appris à vous battre, vous êtes moins sidéré par le fait d'intervenir. Et je pense que la question du courage physique, c'est une vraie question aujourd'hui, dans notre société. Le confort matériel a fait qu’on n'a plus de courage physique, et on a peur de se faire mal. Et puis il y a aussi la question que ces hommes parfois n'agissent pas parce que s'ils interviennent, c’est eux qui finissent au commissariat de police", a répondu Marie-Estelle Dupont.
Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.
Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff chaque jour à 13h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.
Toutes les fréquences de Sud Radio sont ici !