Marie-Estelle Dupont est l'auteur du livre Être parents en temps de crise - Comment restaurer l'équilibre psychique de nos enfants (Éditions Guy Trédaniel).
Marie-Estelle Dupont : "On met les gens dans une situation impossible où ils s’adaptent et cessent de réfléchir"
Selon Marie-Estelle Dupont, le Covid-19, avec le confinement et l’obligation de port du masque, a été un évènement traumatisant pour les enfants. "Comment s’adapte-t-on à quelque chose qui est contraire à nos besoins ? Cela va être par des somatisations diverses, des maux de ventre, des manifestations anxieuses, la perte de l’appétit, une perte de projection… Durant l’hiver 2020 on a quand même vu 52% des étudiants qui voulaient arrêter leurs études. On avait ce climat très anxiogène sur lequel ils se sentaient impuissants, mais aussi potentiellement coupables… car on disait que les enfants étaient potentiellement dangereux pour les adultes.
On a été soumis à un management par la peur. Et dès que vous activez la peur, vous obtenez une déconnexion de la rationalité chez l’individu, la personne ne raisonne plus, la peur est mauvaise conseillère. Comme la personne est dans la panique, elle va cesser de réfléchir, cesser de nuancer, cesser de distinguer… La grande majorité de la population va se soumettre aux injonctions dont elle sait qu’elles sont excessives ou inappropriées. On va jouer sur la peur de l’ostracisation, sur la peur d’être criminalisé, montré du doigt. On met les gens dans une situation impossible où ils s’adaptent et cessent de réfléchir, se dissocient pour supporter la situation, perdent l’empathie, font tout ce qu’on leur dit…", a expliqué Marie-Estelle Dupont.
"Quand les enfants sortent de leur fenêtre de tolérance au stress, ils s’effondrent"
Selon Marie-Estelle Dupont, le management par les chiffres n’est pas approprié non plus. "On est dans une société de chiffres, les chiffres, ça ne se discute pas. Et quand vous êtes dans une société qui a délaissé le vivant pour les algorithmes, quand les chiffres arrivent, c’est beaucoup trop tard ! Aujourd’hui, Santé Publique France communique sur des passages aux urgences pour des gestes suicidaires. Bien évidemment, les études le montrent. Mais la clinique, elle existe. Quand seuls les chiffres comptent, malheureusement, on prend les mesures trop tard."
Marie-Estelle Dupont explique aussi le mécanisme de trauma. Selon elle, c’est ce même processus qui a été à l’œuvre au moment du confinement. "Le trauma est un évènement qui vient faire effraction dans les limites psychiques ou physiologiques. Face à un stresseur externe, on a tous une limite de tolérance, qui est variable en fonction de notre histoire, de notre personnalité, de notre résilience... Quand on est avant un examen, on est extrêmement stressé, extrêmement mobilisé… Quand le trauma est répétitif, chronique (la maltraitance par exemple) ou extrême (un viol par exemple), il correspond à un évènement physiologique dans le cerveau : sous l’effet du stress vous avez les hormones de stress. Et pour vous éviter qu’il y ait un accident vasculaire cérébral ou un accident cardiaque, ces hormones sont encapsulées par le cerveau. Et il y a une pluie d’hormones anesthésiantes. Quand les enfants sortent de leur fenêtre de tolérance, ils sont trop dans le stress, c’est la phase où ils sont encore anxieux, en colère, agités, agressifs etc., et puis ils s’effondrent, ce qui fait dire à certains adultes ‘mais non, ça va, ils ne se plaignent pas’. Ils se sont mis en hibernation, sauf que c’est un âge où c’est grave d’être en hibernation."
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