Sur le Covid19, Martin Blachier affirme ne pas être en conflit d’intérêt. "Dans mon entreprise, il y a beaucoup de modélisation. On est une des sociétés connues en Europe pour ça. On fait des modèles de simulation. Elle répond à toutes les demandes qui lui sont faites, autant du monde privé que du monde public. Dans le monde privé, il y a effectivement des mutuelles, des industriels, parfois ça peut être, mais très rarement, des groupements d’établissements de santé, etc.", explique-t-il.
"La pandémie de Covid19, c’est relativement récent", juge Martin Blachier. "Les activités (de ces groupes privés) étaient liées à des choses plus conventionnelles en médecine. Une modélisation, c’est une super calculette. Ce sont des maths et des équations mathématiques qui essaient de décrire un phénomène, notamment la façon dont un virus va se balader dans une population", explique-t-il.
Martin Blachier : "Les modèles à compartiment sont basés sur le fameux R dont on parle tout le temps"
"Comme le virus se promène en fonction des interactions que l’on a les uns avec les autres, vous imaginez la complexité que c’est de modéliser la façon dont le virus va plus ou moins vite. Où est-il diffusé ? Quelle classe d’âge ? Selon quels types de personnes ? Quels réunions ou événements ? C’est en ça que consistait essentiellement la modélisation du Covid19", explique Martin Blachier. "Il y a différents modèles mathématiques, différentes structures. Mon associé, qui est Henri Leleu, dont je parle beaucoup dans le livre, qui est le grand modélisateur de la société, a lui opté pour un modèle qui est un peu plus moderne, un peu plus High Tech que les autres, que Neil Ferguson notamment".
"Nous avons vraiment voulu modéliser la façon dont les gens interagissent les uns avec les autres. C’est ce qu’on appelle de la microsimulation. C’est un peu comme la micro et la macroéconomie. Nous avons essayé de comprendre avec un modèle complexe que l’on a fait en très peu de temps, en économisant nos heures de sommeil, la façon dont les gens interagissent les uns avec les autres dans les différentes circonstances. Ferguson a, quant à lui, opté pour un type de modèle beaucoup plus ancien. C’est un type de modèles à compartiments qui sont essentiellement fondés sur ce fameux R dont on parle tout le temps. C’est-à-dire en gros, la vitesse de propagation moyenne du virus dans la population qui sont mis dans des fonctions exponentielles", explique le médecin.
"Ce sont des modèles qui n’ont aucune capacité de prédire l’impact que les mesures auront sur l’épidémie"
"Le problème c’est que ce R est une moyenne et qu’on ne prend pas en compte sa dispersion. On ne prend pas en compte que ce virus ne se promène pas de la même façon selon le type d’interaction que l’on peut avoir", explique Martin Blachier. "Ce sont des modèles qui n’ont aucune capacité de prédire l’impact que les mesures auront sur l’épidémie. Ils font des hypothèses. Par exemple, si on ferme les restaurants, on va éviter peut-être 10% des contaminations, ou 15%, ou 20%. Mais ils n’en ont aucune idée. Ils font des calculs dans un autre modèle pour le prédire et ils peuvent se tromper. C’est de moins en moins le cas parce qu’au fur et à mesure on en a vu l’impact sur ce R et du coup, ils pouvaient mettre à jour leur modèle".
"Au tout début, ils n’en avaient aucune idée. C’est pour cela que toutes les modélisations qui fonctionnent sur des modèles à compartiment du départ ont été fausses. Cela a été montré aussi pour une autre raison que j’explique assez bien dans le livre", explique l’auteur de Méga-gâchis. "Dans les modèles anglais et dans les modèles de l’Institut Pasteur, ils faisaient une hypothèse très forte et qui est évidemment fausse : c’est que pendant la veille épidémique, les gens ne changent pas de comportement. Imaginez une vague épidémique qui déferle sur une population. Vous avez la moitié des gens autour de vous qui sont malades. Non seulement ces gens malades continuent d’aller dans les restaurants alors qu’ils sont malades et vous, vous ne changez absolument pas votre comportement. C’est une hypothèse ultra-simplificatrice qui fait que toutes les premières estimations étaient largement surestimées", juge Martin Blachier.
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