Selon Patrice Magneron, la France devrait développer les infrastructures portuaires à Mayotte, étant donné l'intérêt commercial est militaire de cette région du monde.
Patrice Magneron : "Pourquoi ne pas faire de Mayotte une quatrième région maritime ?"
Patrice Magneron craint que la loi d’urgence pour Mayotte ne soit pas en mesure de répondre à la gravité de la situation. "Le point noir numéro un de Mayotte, c'est cette immigration illégale qui vient complètement perturber les équilibres. Car il n'y a pas d'infrastructures adaptées pour accueillir autant de personnes. Est-ce que la loi Urgence va répondre au problème posé par Mayotte ? Bon, c'est avant tout une loi qui est là pour définir de nouvelles aides consécutives au passage du cyclone. Est-ce qu'il s'agira d'un rattrapage par rapport à ce qui aurait dû être versé les années d'avant ? Non. Cela me fait un peu penser à la loi de programmation militaire : on vote des fonds, puis on n'en voit jamais la couleur, j'ai un petit peu peur de ça.
D'autant plus qu’on pourrait certainement résoudre cette situation si on donnait à Mayotte un autre statut que celui de département et région. Pourquoi pas créer une quatrième région maritime avec des pouvoirs qui seraient renforcés au niveau local ? Le problème, il est sur le contrôle et sur le pouvoir qu'on va attribuer au préfet local. Aujourd'hui, il n'y a pas de préfet maritime. Ensuite, il va falloir développer les infrastructures portuaires et avoir des outils, des frégates, pour pouvoir contrôler les frontières. Et puis aussi, même si on est d'accord que les Comores ont leur propre souveraineté, il va falloir quand même se mettre autour de la table avec les Comores et négocier cette situation. On sait bien qu'aujourd'hui le président Azali des Comores, qui est souverain, veut récupérer Mayotte. Mais comme la population comorienne connaît elle-même des difficultés sur les trois îles comoriennes… Ça explique aussi l’afflux massif d’immigration : si ça se passait mieux chez lui, forcément, il y aurait moins de monde chez nous."
"On a l’atout du positionnement géopolitique, y compris à Mayotte"
Patrice Magneron estime que la France n’exploite pas assez l’espace maritime dont elle dispose, notamment autour de ses différentes îles. "Au-delà de la tristesse, de la désolation consécutive au passage du cyclone et de tous les malheurs humains que ça va entraîner, il y a une question qui me taraude : est-ce que, tout compte fait, la France métropolitaine a bien pris la mesure de tous les enjeux de son espace maritime ? On répète de temps en temps que la France dispose du deuxième, voire du premier espace maritime mondial, avec à peu près 10 millions de kilomètres carrés. Mais qu'est-ce qu'on en fait ? La place de la France dans le monde a tendance aujourd'hui à être grignotée par un ensemble d'États qui ne nous ne veulent pas que du bien. Pour parler vulgairement, on se fait dégager d’un peu partout. Et c'est bien dommage, parce qu’on a de vrais atouts. On a un atout culturel, on a l'atout de la langue, et puis l’atout du positionnement géopolitique, y compris à Mayotte. Et Mayotte, c'est le canal du Mozambique : à peu près 30% du commerce pétrolifère international passe là-bas, donc ce n'est quand même pas rien. Et puis ce sont des ressources à exploiter au niveau local. On prend du retard. Et surtout, on risque de se faire chiper le magot par les Chinois, les Américains, les Sud-Africains… Donc, dire que cette région ne représente rien pour nous, c'est pas vrai. Économiquement, ça peut représenter quelque chose."
Militairement aussi, Mayotte peut représenter quelque chose… "Il se trouve que Mayotte dispose d'un espace naturel assez unique au monde, puisque c'est l’un des lagons les plus profonds. On pourrait tout à fait y installer une base navale, une base sous-marine. Il serait d'autant plus pertinent de l'installer à cet endroit-là que pour les raisons que je viens d'évoquer sur le commerce maritime international. On pourrait être amenés à défendre les côtes et les navires commerciaux", a fait savoir Patrice Magneron.
"Ensuite, on peut développer l'île en elle-même. Des choses ont été faites par la France : suite au référendum de 1986, il y a eu un ensemble de dispositions qui ont été prises pour développer l'île. Mais là où la situation s'est détériorée, c'est à partir de 2011, c'est-à-dire à partir du moment où elle a obtenu son statut de département-région. Il semble que là, en l'absence de tout contrôle de nos frontières, on ait laissé passer une immigration qui a engendré deux effets : une surpopulation de l'île. Il faut savoir que la densité de la population est deux fois plus forte à Mayotte que dans les Comores. On est à peu près à 800 habitants par km2. On a une population qu'il est très difficile d'estimer, parce qu’il y a quand même beaucoup d'immigration illégale, mais en gros on est autour de 250.000-300.000 habitants. C'est beaucoup. Et les infrastructures n'ont pas suivi : on a un hôpital pour 300.000 habitants. Donc, vous imaginez ce que ça a pu donner au moment du passage du cyclone", a poursuivi Patrice Magneron.
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