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Michel Maffesoli : "La tradition française est une vieille tradition de méfiance vis-à-vis de l'imaginaire"

Michel Maffesoli, écrivain et sociologue, était l'invité d'André Bercoff sur Sud Radio le mardi 28 janvier 2025.

Michel Maffesoli
Michel Maffesoli, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Michel Maffesoli publie son "autobiographie intellectuelle" intitulée Apologie.

Michel Maffesoli : "C'étaient des domaine où des études devaient être faites"

Michel Maffesoli a raconté comment il a été le premier à diriger des thèses à la Sorbonne sur des sujets qui semblaient novateurs à l’époque. "J'ai eu à l'époque des thèses sur les boîtes de nuit. Deux de mes étudiants de Lyon avaient proposé ces thèses, et leurs professeurs, mes collègues de Lyon, avaient refusé ces thèses. Ils trouvaient que le sujet n'était pas digne, c'était même infamant, des boîtes échangistes, à l'époque. Ils venaient chez moi. Et moi, bien sûr, je les acceptais.

Michel Foucault me recevait souvent. En 1982, deux ans avant sa mort, m’a dit : 'Maintenant, Michel, vous êtes professeur à la Sorbonne, il n'y a rien sur l'homosexualité'. Ce n'était pas chic à l'époque, l'homosexualité ! Il y a eu un groupe de recherche sur l'homosexualité, deux ou trois grands colloques à la Sorbonne, même rassemblant des gens de divers partis d'Europe. Mais là, on me dit : 'Maffesoli, vous faites rentrer l'homosexualité à la Sorbonne !'. Je dis : 'Écoutez, arrêtez, on n'a pas besoin de moi, de ce point de vue'. Après, quand j'ai fait soutenir des thèses sur l'astrologie, on m’a dit : 'Vous faites rentrer l'astrologie à la Sorbonne'. Moi, j'étais un mécréant dans l'un et dans l'autre domaine, ce n'était pas mon domaine à moi. Mais il n'en reste pas moins que c'étaient des domaines où des études devaient être faites, me paraissait-il, puisqu’il y avait une multiplicité de gens qui s'intéressaient à l’une et à l’autre", a fait savoir Michel Maffesoli.

"Je suis de formation weberienne. Weber a dit : 'Un fait social peut devenir un fait sociologique'. Voilà la vieille règle. C'est à nous d’analyser le fait en question. Et ma position, c'est : ni judicatif, ni normatif. Je ne dis pas ce qui devait être mais ce qui est. Nietzsche, qui m'a beaucoup formé, considère que la logique du ‘devoir-être’, ce que devrait être le monde, ce qu'on aimerait qu'il soit, ce qu'il pourrait être, contrevient à ce qu’il est, tout simplement", a poursuivi Michel Maffesoli.

"Tout comme il y a des changements climatiques stricto sensu, admettons qu'il y ait des changements climatiques dans l'esprit"

Autre thème abordé par Michel Maffesoli dans son livre : qu’est-ce que l’imaginaire ? "Difficile à dire, parce que, tout comme le quotidien, c'est quelque chose qui semblait pas sérieux, qui ne méritait pas d'être analysé. La tradition française est une vieille tradition de méfiance vis-à-vis de l'imagination et de l'imaginaire. Malebranche, Descartes, critiquaient l'imagination en disant que c'était 'la folle du logis', c'est-à-dire ce qui ne permet pas le bon fonctionnement du cerveau. Et je rappelle dans mon livre, les deux premiers livres de Jean-Paul Sartre sur l’imagination, de 1936 et 1938, reprennent tout simplement l'idée de [Nicolas] Malebranche : c'est pas bien.

Alors, c'est là où j'ai rencontré Gilbert Durand, mon maître, qui, en 1960, a écrit 'Les structures anthropologiques de l'imaginaire'. Et c'était sous la direction de Gaston Bachelard. Et il rend attentif au fait qu'on ne peut bien comprendre la vie que si on saisit les rêves, les fantasmes, les fantasmagories, les fantaisies, les mythes… Le réel est construit par l'irréel. Et l’irréel, c'est ce que je viens de dire : ce n'est pas simplement individuel. Il y a des rêves collectifs : des mythes, des fantasmes. Durand avait une belle formule : ‘Dans le fond, l'imaginaire, c'est le climat, l'atmosphère dans laquelle on baigne. Et tout comme il y a des changements climatiques stricto sensu, admettons qu'il y ait des changements climatiques dans l'esprit. C'est ce qui est en train de se passer de nos jours’. L'imaginaire, c’est donc la prise en compte de ces éléments que l'on méprisait. En tout cas dans la tradition française en particulier, où seul valait le rationalisme", a fait savoir Michel Maffesoli.

Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.

Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff chaque jour à 13h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.

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