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Michela Wrong : "Au Rwanda, les bons sont aussi des méchants"

Par Jean Baptiste Giraud

Michela Wrong, auteure du livre "Rwanda : assassins sans frontières" (Éditions Max Milo), était l'invitée de "Bercoff dans tous ses états" le 19 avril 2023 sur Sud Radio.

Michela Wrong
Michela Wrong,

Comme l'explique Michela Wrong, la paix dans la région des Grands Lacs n'est toujours pas une réalité car le Rwanda soutient les rebelles du M23.

 

Michela Wrong : "Les États-Unis ont dit ouvertement que le M23 est soutenu par le Rwanda"

"J’ai commencé à m’intéresser au Rwanda en 1994. J’ai vu le début du génocide, les corps, les taches de sang sur les murs… Quand on massacre autant de gens, on a des traces. Le gouvernement rwandais parle de 2 millions de personnes massacrées, mais en étant réaliste le chiffre est plutôt compris entre 500.000 et 1 million", a fait savoir Michela Wrong. N’a-t-on pas le sentiment aujourd’hui que les criminels ont été récompensés ? "Pour moi c’est un peu un conte de fées qu’on raconte : il y avait les bons et les méchants. Mais maintenant on s’est rendu compte que les bons étaient aussi des méchants. Ils ont beaucoup de sang sur leurs mains, ils ont massacré les gens avant le génocide, pendant le génocide et après le génocide. Ça s’est passé au Rwanda mais aussi au Congo, pays voisin. Il y a eu des centaines de milliers de morts après le démantèlement des camps de réfugiés.

Maintenant il y a ce mouvement de rebelles, le M23. Il est soutenu par le Rwanda. Environ 100.000 personnes sont déplacées à cause de la violence de ce groupe. Les États-Unis ont dit ouvertement : 'c’est un groupe armé soutenu par le Rwanda'. Ils sont en train de laisser des traces dévastatrices sur la région. Il y a toujours un niveau de violence élevé à cause du M23. Ça a repris depuis plus d’un an. Il y a toute la zone autour du Nord Kivu qui est contrôlée par ce mouvement. Et cinq armées africaines sont déployées là-bas : il y a les Sud-Soudanais, les Burundais, les Ougandais, les Kényans… parce qu’on ne parvient pas à maîtriser la situation. 100.000 personnes déplacées vivent dans des camps de réfugiés où il y a le choléra et le paludisme", a répondu Michela Wrong.

"Kagame veut montrer qu’il est l’homme le plus important en Afrique de l’Est"

Paul Kagame est un chef d'État extrêmement autoritaire. "Kagame n’aime pas la critique. Si on prend ses distances avec sa politique, on passe en taule ou on disparaît ou on s’enfuit, et après il y a des escadrons de la mort qui sont envoyés par Kigali pour faire la chasse aux hommes, et les plus importants sont éliminés. Si on regarde ce que fait Yoweri Museveni, le président de l’Ouganda, il a toujours dit en parlant à ses officiers : on ne va pas assassiner des gens. Et on voit que des gens comme Bobi Wine, le chef de l’opposition, restent en Ouganda. Ils ne gagneront jamais une élection, mais ils ne se sentent pas menacés personnellement. Ce n’est pas le cas du Rwanda : il y a une cheffe d’opposition qui s’appelle Victoire Ingabire, elle a passé huit ans en prison. Maintenant elle ne peut pas sortir de chez elle. Et certains cadres de son parti se sont fait abattre. Il y a aussi beaucoup de journalistes qui ont osé critiquer le régime et qui sont maintenant en prison", a rappelé Michela Wrong.

 


Selon Michela Wrong, ce conflit tient en grande partie à la personne de Paul Kagame. "Je pense que Paul Kagame est un monsieur qui veut se rendre incontournable, il veut que tout le monde l’admire, que tout le monde, pas seulement dans les Grands Lacs mais aussi ailleurs en Afrique, estime que c’est le président le plus important. Il veut être invité à Davos, il veut aller aux États-Unis, il aime bien le tapis rouge, il voyage tout le temps. Cela, alors que le Rwanda, c’est tout petit, c’est l’un des plus petits pays d’Afrique. Et c’est aussi l’un des plus pauvres. La vraie raison de cette violence, c’est que Kagame veut montrer qu’entre Museveni et lui, c’est lui le plus important. Il veut montrer que si on ne le prend pas en compte, il est capable de semer le chaos."

 

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Retrouvez “Le face à face” d'André Bercoff chaque jour à 12h30 dans "André Bercoff dans tous ses états" Sud Radio.

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