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Patrice Romain : "Il faut arrêter de dire que tout va bien dans l'Éducation nationale"

Par Jean Baptiste Giraud

L'Éducation nationale va-t-elle mal ? Patrice Romain, ancien principal de collège, auteur de Omerta dans l’Éducation nationale (Éditions Cherche Midi), était l'invité d’André Bercoff sur Sud Radio le mercredi 13 septembre 2023 dans "Bercoff dans tous ses états".

Patrice Romain
Patrice Romain, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Dans son livre, Patrice Romain dénonce les façons de faire propres à l’Éducation nationale qui font que les élèves et les enseignants souffrent, et les problèmes ne trouvent pas leur résolution.

 

Patrice Romain : "On camoufle les problèmes, donc on ne peut pas s’y attaquer"

"Je pense très sincèrement que toutes les émeutes, tous les problèmes que la société française connaît actuellement proviennent en grande partie de l’Éducation nationale. Et donc de la frilosité de sa gouvernance, qui n’ose pas tout simplement appliquer la loi. Vous parlez de l’abaya, mais la loi de 2004 est claire : aucun signe ostentatoire religieux dans les établissements scolaires. Sauf que depuis 2004, en ce qui me concerne, à chaque fois que j’ai remonté à ma hiérarchie un problème de laïcité, à chaque fois on m’a demandé de camoufler l’affaire.

Lorsque vous avez 96% de réussite au baccalauréat, le niveau est bon. Vous rendez vous compte ? Il y a des résultats extraordinaires. Donc pourquoi porterait-on des efforts alors que le niveau est exceptionnel ? Et c’est ça, le gros problème : à toujours vouloir camoufler la vérité, on crée l’inverse de ce que ce que l’on souhaiterait. On camoufle les problèmes, donc on ne peut pas s’y attaquer."

 

"Tous les ordres un petit peu limites sont dits oralement"

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de prise de parole au sein de la communauté éducative face à ces problèmes ? Comme l’explique Patrice Romain, tout le monde au sein de l’échelle hiérarchique de l’Éducation nationale a peur. "Des prises de parole, il y en a, mais c’est très rarement dirigé contre les hauts fonctionnaires. Parce que les professeurs sont face aux chefs d’établissement, donc ce sont les lampistes. Et toutes les décisions, tous les ordres un petit peu limites sont dits oralement. Et ensuite, si effectivement les professeurs se réunissent et que ça fait du bruit, le haut fonctionnaire aura beau jeu de dire ‘non non non, mes consignes ont été mal interprétées’. Et il va rétropédaler si ça fait un petit peu trop de bruit.

Il y a une peur. Les professeurs ont peur de parents qui viennent dire ‘Qu’est-ce que vous avez fait à nos enfants ? Vous avez exclu notre notre fils ou notre fille, vous allez voir ce qui va vous arriver’. Donc le chef d’établissement a peur. Et comme il sent qu’il ne va pas être renforcé, il se tait, quoi. C’est très compliqué à vivre pour les professeurs : si le professeur refuse quelque chose à l’élève, le parent va voir le principal. Et si le principal refuse, le parent va voir le directeur académique".

L'ancien directeur avoue : "Il y a bien un échelon à un moment donné où on cède parce qu’on a peur du supérieur. Et j’ai même un directeur académique qui était furieux parce que les parents avaient écrit directement au ministre. Et donc toute cette hiérarchie, ils l’avaient zappée. Et ben oui, mon grand garçon, mais nous, ça nous arrive régulièrement, donc voilà."

 

"Les inspecteurs devraient mettre un peu les mains dans le cambouis"

Selon Patrice Romain, l’Éducation nationale a tout à fait les moyens de résoudre ses problèmes. "Il n’y a pas de solution miracle. C’est à la fois très simple et très compliqué. L’Éducation nationale, quoi qu’on en dise, a les moyens humains et les moyens financiers. Simplement, il faut les mettre au bon endroit. En début d’année j’avais un recteur qui nous disait : ‘Faites-nous n’importe quel projet, on a trop d’argent, on vous en donnera’. Donc non, il y a les moyens financiers, on a les personnels, maintenant c’est une question de mentalité.

 


Et je crois qu’il faut arrêter de se voiler la face. Il faut parler vrai, il ne faut pas être managé sur des chiffres. Un professeur est face à ses élèves. Si l’élève n’y arrive pas, on va dire qu’il n’y arrive pas. Il faut arrêter de mépriser les élèves en les surnotant et en demandant au professeur de dire que tout va bien. Il faut dresser un état des lieux objectif et arrêter de dire que tout va bien. Une fois qu’on aura détecté tous les problèmes, on pourra réellement s’y atteler.

Je pense que beaucoup d’inspecteurs devraient pour une partie de leur temps être face aux élèves, mettre un peu les mains dans le cambouis. Ça les ramènerait sur terre et je pense que ça dégonflerait le melon de pas mal d’entre eux."

 

 

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