Pierre-Antoine Martin a vécu le burn-out et a écrit un livre sur ce sujet : Le temps des pervers (Éditions Max Milo).
Pierre-Antoine Martin : "Vous avez un contexte qui devient totalement paradoxal, avec des comportements paradoxaux de la hiérarchie"
Comme l’explique Pierre-Antoine Martin, le burn-out est le résultat d’une accumulation de plusieurs choses qui devient insoutenable. "Il y a un chemin qui mène à ça, mais on ne sait pas qu'à un moment donné tout va lâcher, tout va s'écrouler. On se dit : ‘je suis fort quand même, je vais supporter’. Vous avez un stress qui est lancinant, intense, qui monte, qui monte… mais un stress insoutenable, qui arrive à des niveaux jamais connus dans votre vie. Associé à une perte de sens dans le travail, c'est très important. C'est pour ça que je parle de maladie civilisationnelle. Et puis c'est le conflit éthique : ‘mais je ne suis pas d'accord avec ça, je ne suis pas d'accord avec ces valeurs, je ne vois que du mensonge, que de la manipulation’.
Il y a eu cette montée, ce stress progressif, intense, qui arrive à un niveau très, très fort. Plus du harcèlement avec des injonctions contradictoires, du paradoxe. Et la situation. Vous avez un contexte qui devient totalement paradoxal, avec des comportements paradoxaux de la hiérarchie, par exemple."
Dans son livre, Pierre-Antoine Martin dénonce les méfaits de la communication interne d’entreprise. "En tant que cadre dirigeant, je savais quels étaient les ressorts de certaines décisions. Et je me disais : ‘mais c'est pas vrai qu'on les traduise dans ces mots-là !’. La communication est devenue une propagande dans nos entreprises. C'est pour ça que dans mon livre, je dis que le travail devient totalitaire. Et le totalitarisme, ça broie les gens. Il y a cent ans, il broyait des corps. Aujourd'hui, il broie des âmes."
"Le cerveau essaie de s'accrocher rationnellement à quoi que ce soit, mais il n'y arrive pas"
Alors, comment se manifeste le burn-out ? "Il y a tout un tas d'événements avant. Mais je vais parler juste du matin. C'est la bascule brutale. Vous avez dormi plus ou moins, vous vous réveillez et vous êtes dans un état quasiment mort. Vous êtes mort dans votre corps, mort dans votre psyché. Et la seule chose que j'étais capable de faire, c’était lever le petit doigt. C'était le seul effort que je pouvais faire. Il n'y a plus d'énergie, il n'y a plus de force du tout dans le corps. De forces pour bouger, mais pour penser, pour réfléchir, pour parler… il n'y a plus rien. Et à ce moment-là, vous êtes tellement dans un état critique qu'il y a une dissociation qui se fait en vous, et vous faites l'état clinique de ce que vous êtes. Et c'est effrayant. Vous vous posez la question si vous n'êtes pas mort ou totalement paralysé. Ça commence comme ça : c'est l'effondrement cognitif, psychique.
J'ai été cadre dirigeant, j'ai fait une grande école d'ingénieurs, donc j'avais quelques capacités, une aptitude intellectuelle. Eh bien, j'en étais à avoir du mal à faire une simple addition. Et tout ça fait qu'à un moment donné, votre esprit est totalement perdu. Il essaie de s'accrocher rationnellement à quoi que ce soit, mais il n'y arrive pas. Le stress intérieur monte, monte, monte. Et à un moment donné, le cerveau se met en survie. Sinon, je pense que c'est la mort. L'étape d'après, c'est vraiment la mort", a témoigné Pierre-Antoine Martin.
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