Nadir Khaia, président de l’association Banlieue plus et nos quartiers, est l'invité d'André Bercoff dans le Face-à-Face pour échanger sur la réalité des banlieues en France
"Je n'oppose pas les campagnes et les banlieues"
Nadir Khaia tient à rappeler que "il y a des inégalités en France", une réalité selon lui occultée par "un discours de droite et d'extrême-droite qui est prioritaire en France." "J'oppose pas les campagnes et les banlieues", tient-il à rappeler, affirmant ainsi qu'il y a dans les campagnes "des difficultés qui peuvent être les mêmes voire pire" que dans les banlieues. De plus "le service public est quand même plus présent" dans les quartiers. Toutefois, "ces Français-là ne sont pas discriminés par rapport à leur couleur de peau, leur religion, c'est la seule différence."
Les banlieues sont aussi des endroits qui manquent parfois de mixité sociale, tout simplement parce que certaines personnes préfèrent, à leur arrivée en France, s'installer dans un premier temps là où se trouvent d'autres personnes qui leur ressemblent. "Ça leur permet de mieux s'intégrer, pour pouvoir avoir les codes pour pouvoir vivre bien ensemble." Au reste, ce comportement se retrouve chez les Français qui partent à l'étranger mais "on s'interroge un peu plus quand c'est des étrangers qui viennent en France." L'absence de mixité sociale relève aussi de "la volonté de certaines politiques, il y a aussi une logique sociale. Les responsabilités sont globalement et souvent partagées. Il faut de la sincérité, du courage, oser dire les choses."
Banlieue plus, "un lobby des quartiers"
Nadir Khaia a créé l'association Banlieue plus "il y a plus de douze ans. C'est aussi dans l'ADN de beaucoup de personnes en banlieues." Sa première association, il l'a créée à 16 ans. "On voulait sortir les jeunes, sortir du quartier, ça reste une zone fermée. Après j'ai créé l'association, pour casser les clichés, les préjugés. Un lobby des quartiers. On a commencé à faire des rencontres-débats. On a fait ça pendant sept huit ans, on a reçu M. Bayrou, Mme Taubira, avec le temps en ce rend compte qu'il n'y a pas grand-chose qui bouge, il faut de la volonté politique." Aujourd'hui l'association fait aussi des maraudes. "On prépare les repas au Blanc-Mesnil, tous les dimanches on prépare des repas et des vêtements et on va les distribuer, on fait des maraudes. En France on ne meurt pas de faim, les personnes meurent de froid ou de la condition dans laquelle ils sont."
Pour résoudre les différents problèmes des banlieues, Nadir Khaia voudrait "un plan Marshall pour les banlieues." "Il faut raser ces banlieues. Il fallait construire rapidement, loger un maximum d'immigrés, c'est les années 60, maintenant c'est obsolète. Il faut repenser la France, il faut arrêter de construire à la verticale, il faut une réflexion sur trente ou quarante ans. Tant qu'il n'y a pas ça on va continuer à parler des banlieues." Ce plan "va permettre à certaines personnes de ne plus vivre dans la violence. Dans la violence il n'y a pas d'avenir, je ne connais aucune personne qui a réussi sa vie, ça dure un temps, ils se détruisent et ils détruisent leur famille."
"On peut tous travailler ensemble à condition de le vouloir"
Nadir Khaia a "vu l'arrivée de la drogue, d'un nouvel islam." "En tant que citoyen engagé je réfute les positions extrêmes, j'ai compris qu'on ne peut pas avancer comme ça, même personnellement. La richesse c'est de construire et de conjuguer avec les autres." Il s'oppose également aux positions qui reprochent à la France son passé colonial. "On mélange la France du présent et la France du passé. En tant que Français et Algérien, je suis pour qu'on tourne la page. Le problème c'est qu'il n'y a pas de table ronde là-dessus. Pourquoi on ne se met pas autour de la table et on trouve un compromis, on essaie de construire une France plus riche et moins divisée ?"
En revanche, Nadir Khaia ne croit pas à un retour en arrière. "C'est compliqué d'être nostalgique et de croire à tous ces retours-là." Au lieu de rêver d'une police de proximité, il pense ainsi qu'il vaudrait mieux "faire une police municipale avec de vrais moyens", additionner les polices municipale et nationale, et surtout "ne pas tout attendre des politiciens." "La plupart des politiciens s'appuient sur le tissu associatif, soit pour se faire élire, soit pour la paix sociale. De mon expérience, dans des villes, ils ont souvent ces mêmes pratiques. Il y a des maires qui ont une façon de faire de la politique qui est d'opposer tous les habitants." "Je pousse les médias à ouvrir leurs portes", explique-t-il, pour montrer "qu'on peut tous travailler ensemble à condition de le vouloir."
Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.
Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff du lundi au jeudi à 13h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.
Toutes les fréquences de Sud Radio sont ici !