Pourquoi a-t-on tant de mal à appréhender le danger que pose l'exposition d'enfants à la pornographie ?
Renaud Hetier : "Il ne faut pas imaginer que parce qu'un enfant va voir un jour une image pornographique, il va tout à coup basculer dans l'addiction"
Pourquoi ce sujet est-il si compliqué à résoudre ? "Je pense que les enfants sont pris un peu entre le marteau et l'enclume. C'est-à-dire qu'il y a une préoccupation éducative qui va faire qu'on va peut-être parfois éviter d'en parler parce qu'on a peur de devancer la maturation de l'enfant. Et puis, de l'autre cote, les enfants sont surexposés à des choses qui peuvent être très crues, voire barbares. Donc, on ne peut pas laisser les choses dans cet état-là. Et il y a besoin d'anticiper un minimum pour que les enfants soient préparés à ce qu'ils risquent de voir. Parce que dans l'état actuel des choses, ils risquent de voir. C'est comme ça. Donc, la question est peut-être moins ‘comment on fait pour complètement arrêter l'accessibilité de ces productions ?’, que ‘comment on prépare les enfants à y faire face le jour où ça va arriver’. En même temps, il ne faut pas imaginer que parce qu'un enfant va voir un jour une image pornographique, il va tout à coup basculer dans l'addiction", a déclaré Renaud Hetier.
"Le smartphone va donner un accès quasi-incontrôlable"
Quel est donc l’ennemi ? "Stéphane [Blocquaux] commence notre livre par un slogan : 'Nous sommes en guerre'. En guerre avec quoi ? Avec le nomadisme numérique juvénile. L'ennemi, c'est d'une part, c'est vrai, la cyberpornographie. Mais surtout le vecteur, c'est-à-dire : ‘par où ça arrive chez ces collégiens ?’. On voit que ce n'est pas à la maison, quand on est confortablement installés à sa tablette ou avec l'ordinateur familial. C'est ce fameux téléphone portable, ce smartphone qu'on met dans les mains des très jeunes collégiens, voire des CE2 et CM1, qui sont déjà suréquipés, pour beaucoup. Et donc, cet outil va donner un accès quasi-incontrôlable. Quand je dis quasi-incontrôlable, c'est qu'on a tout essayé pour verrouiller, bloquer… et que pendant des années et des années, j'ai reçu des dizaines de milliers de parents en conférence qui, à chaque fois, me posent la même question : ‘Voilà, j'ai acheté un iPhone 14 à mon enfant, je fais comment maintenant pour qu'il fasse quasiment plus rien avec d'autre que me téléphoner quand il a raté le bus?’. Elle est là, l'équation, en fait", a déclaré Renaud Hetier.
"On a mis dans les mains d'enfants des outils d'adultes et du contenu d'adultes"
"Dans le livre on a fait un carrousel. Et dans ce petit carrousel, on montre avec quoi on partait à l'école dans les annés 1990. Imaginez une minute la scène : l'enfant qui part à l'école et qui, tout d'un coup, dit : ‘Maman, je vais prendre le téléphone’. Le téléphone ? Mais ça aurait été tellement surprenant, c'est pas possible. ‘Je vais prendre le caméscope de papa’. Vous imaginez un enfant qui serait parti avec un caméscope à l'école ? Allez, on continue. L'appareil photo reflex, c'est parti, on met tout ça dans le cartable. Le Gameboy, allez, c'est parti ! Et puis tiens, la télévision ! Allez, hop, la télévision. Et l'enfant, il est en sixième, cinquième… et il a l'ensemble de cette puissance de feu d'adulte concentré dans un petit écran comme ça dans les mains. On a mis dans les mains d'enfants des outils d'adultes et du contenu d'adultes, pour revenir à la cybersexualité", explique Renaud Hetier.
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