Le colonel Jacques Hogard, auteur de “ La guerre en Ukraine - Regard critique sur les causes d’une tragédie”, éditions Hugo Doc, et Fabrice Bonnard, avocat, ancien Conseil de la Direction générale des douanes, parlent avec André Bercoff de la guerre entre l'Ukraine et la Russie dans le Face-à-Face.
"Cette guerre est quasiment finie au plan militaire", en faveur de la Russie
Les médias parlent à l'envi de la guerre en Ukraine, mais avec, selon le colonel Jacques Hogard, un "manque de culture". "Les généraux de plateaux refusent de comprendre les raisons profondes de ce conflit". "La Russie est née à Kiev, non seulement la Russie mais l'orthodoxie. L'Ukraine ne sera jamais vraiment indépendante, c'est un État reconnu par la communauté internationale, ses frontières sont héritées du bolchevisme, ce sont des frontières un peu artificielles au vu de l'histoire. On parle de l'ouest de l'Ukraine et de l'est de l'Ukraine : la partie Est est fondamentalement russophone et orthodoxe, faire une nation de ces deux entités c'est compliqué, il y a eu des essais, sous l'empire russe et sous l'empire soviétique, il y a juxtaposition de ces deux identités."
Cette juxtaposition se passe mal, et les choses empirent depuis quelques années. "Aujourd'hui, tout le monde parle du 24 février 2022", reconnaît le colonel Jacques Hogard, qui affirme que, selon le préfet de la DSC, les hostilités ont en réalité débuté le 17, avec des actions militaires de l'Ukraine contre le Donbass. "Poutine aurait dû dire 'regardez ce qui se passe, il y a agressions de ces populations russophones'. Il y a quand même eu 16 000 morts dans le Donbass." Aujourd'hui, "cette guerre est quasiment finie au plan militaire. La Russie a quasiment atteint tous ses objectifs terrain, l'armée russe est regonflée à bloc en hommes et en matériel". "En face, vous avez l'armée ukrainienne qui est étrillée", affirme le colonel Jacques Hogard, qui estime que, concernant les morts, "on est plus près de centaines de milliers d'hommes que de dizaines de milliers d'hommes. Il y a une hémorragie terrible de la jeunesse ukrainienne ; pour un tué, on est à 6 ou 7 blessés graves, d'habitude on dit un mort pour trois blessés. L'Ukraine ne va pas s'en relever, on a vécu ça en 1918, toutes les familles françaises le savent. Il y a un drame gigantesque et un moral qui s'effondre, aujourd'hui les désertions sont nombreuses."
"L'OTAN n'a plus de raison d'être"
"Depuis que l'URSS a disparu, l'OTAN n'a plus de raison d'être", affirme le colonel Jacques Hogard, qui rappelle que l'OTAN était qualifié d'"organisation obsolète" par le président Trump en 2017. "C'est un tigre de papier", affirme-t-il, qui ne tient que parce qu'on "y fait carrière", "on y est payé grassement, c'est un système juteux". "En réalité , l'OTAN survit pour survivre, regardez comme les nations qui en font partie sont divisées. L'OTAN est une organisation maléfique dont on ferait bien de se débarrasser." Aujourd'hui, l'OTAN est un outil aux mains des États-Unis pour maintenir l'Europe en position d'infériorité. "Les Américains, depuis le départ, ne veulent pas d'une Europe unie de l'Atlantique à l'Oural, regrette le colonel Jacques Hogard. Ils ne veulent pas de ce rêve gaullien qui était avant le rêve de Chateaubriand." Pour lui, "l'idée c'est d'affaiblir la Russie par tous les moyens, occidentaliser l'Ukraine comme ça a été le cas dès 2004. On voit très bien la progression, l'américanisation, l'otanisation de l'Ukraine."
Le colonel Jacques Hogard affirme même que "l'OTAN veut casser la Russie en brisant son lien historique et ancien avec l'Ukraine." Pourquoi ? Parce que les États-Unis sont restés à l'époque de la Guerre froide. "Les Américains sont restés persuadés que l'URSS ayant disparu, la fédération de Russie était la digne successeur de l'URSS, je pense que c'est totalement faux", conteste le colonel qui rappelle qu'en 2003, Poutine "demande à Clinton la possibilité de rejoindre l'OTAN" et qu'en 2020, il dit vouloir "rejoindre la maison commune européenne." Seulement, "les Américains ne voulaient pas d'un rapprochement de l'Europe avec la Russie parce que ça signifiait à terme une Europe forte." Et l'Europe dans tout cela ? Elle s'est laissée aller "dans une espèce de torpeur pacifiste". "On a démilitarisé l'Europe de l'Ouest, et la France en particulier. Notre armée est une belle armée au plan humain mais je sais aussi que c'est une armée échantillonnaire."
Gagner des territoires n'est "pas l'objectif" de la Russie
Que dire alors des choix du président Macron dans la guerre ? Pour Fabrice Bonnard, ce qu'il fait n'est "pas du tout légal". "Si vous regardez la fin de cet accord qui est un accord inter-présidentiel, il est d'application immédiate, c'est pas possible. Il faut qu'il passe par les formes de ratification de promulgation. Est-ce qu'on peut déclarer que la France est en guerre sans passer par le Parlement ? Ce n'est pas possible !" La France n'est-elle pas déjà en guerre, puisqu'elle livre des armes ? "Selon le droit français, livrer des armes ce n'est pas participer au combat." Selon sa conception souveraine, la France n'est donc pas en guerre. Doit-elle l'être pour se protéger de la Russie ? Pour Fabrice Bonnard, "aujourd'hui, présenter les Russes comme une force souhaitant gagner du territoire, c'est oublier que c'est le plus grand territoire du monde. Ils ont démontré maintes fois que ce n'était pas leur objectif."
"La France, c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, cette déclaration que tout le monde connaît, c'est un texte apprécié, le roi n'était pas encore guillotiné. La France doit se souvenir que ce texte commence par un préambule considérant que l'ignorance, l'oubli et le mépris sont les seules causes de tous nos malheurs", rappelle Fabrice Bonnard. Il estime que le problème aujourd'hui est dans les atteintes à la séparation des pouvoirs. "Le législateur est chunté", par les 49-3 et autres, il y a "énormément de fonctionnaires qui pantouflent", parmi les parlementaires, et pour ce qui est de l'exécutif, il "pond des textes, des réglementations", et n'a plus le temps de faire appliquer la loi. "Pour moi, il n'y a plus de séparation des pouvoirs", conclut-il.
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