Dans son livre, Sami Biasoni met en lumière un paradoxe : "Le chiffre jouit d’une valeur de vérité. On le prend comme tel, on ne le dispute pas".
Sami Biasoni : "D’élection en élection, le nombre de sondages est toujours plus important"
Une grande partie de son livre est consacrée aux sondages. "Les sondages ont l’art d’avoir tort tout en ayant raison, et réciproquement", résume Sami Biasoni. "Il y a une amplification du nombre de sondages. D’élection en élection, leur nombre est toujours plus important. On aime se radiographier. Pourquoi faut-il prendre les sondages avec du recul ? Il y a des sondages bien menés, mais tous ne le sont pas. Les instituts de sondage font bien leur travail certes, mais le commanditaire peut orienter les répondants en formulant les questions d’une certaine manière. Il y a beaucoup de techniques de manipulation mentale, l’une d’entre elles s’appelle ‘l’escalade des oui’ : on pose quatre questions innocentes, on conditionne à ce que la réponse à la cinquième soit ‘oui’ aussi. Dire 'Êtes-vous pour la régularisation des sans-papiers ?' n’est pas la même chose que dire 'Si quelqu’un est en danger de mort dans son pays et qu’il n’a pas les moyens de subsister, alors doit-il pouvoir bénéficier au nom de la générosité de la régularisation ?'. In fine c’est la même question, mais ce n’est pas du tout le même résultat. En principe, les instituts de sondage sont là pour empêcher ce type de situation, toujours est-il qu’ils sont prestataires, c’est toute la difficulté de l’exercice."
Peut-on alors dire que la sociologie n’a pas de valeur scientifique ? "C’est quand même une science : elle n’est pas manipulable, elle est orientable. En revanche, lorsque vous êtes dans les 48% ou 51%, d’une part, vous êtes dans la marge d’erreur, il ne faut jamais l’oublier. D’autre part, quand vous êtes à 50,01%, il ne faut jamais dire ‘les Français pensent que…’, c’est une faute grave. La deuxième erreur, c’est : vous pouvez capter le moment du débat. S’il y a un grand débat à la télévision ce soir, poser la question juste après ne donne pas le même effet que la poser une semaine plus tard", a répondu Sami Biasoni.
"Les sondages ont une valeur auto-prophétique"
"Les sondages n’ont pas de valeur prédictive. Ce n’est pas une prédiction, c’est une photographie à l’instant T. Et comme je l’explique dans le livre, les sondages ont une valeur auto-prophétique ou anti-prophétique. Par exemple, vous avec un candidat qui caracole en tête à une élection, le parti va dire : ‘on va gagner’. Donc, dimanche, s’il fait beau, ils iront au pique-nique, ils n’iront pas voter. Le camp du numéro deux sur la liste, lui, va se dire : ‘il faut se mobiliser, nous avons une chance’", a expliqué Sami Biasoni.
Autre exemple donné par Sami Biasoni dans son livre : les chiffres du chômage. "Les chiffres du chômage répondent à une méthodologie qui est bien établie, établie notamment par le Bureau international du travail. Seulement, il y a quelques subtilités. Qu’est-ce qu’un chômeur ? C’est quelqu’un qui n’a pas eu de travail depuis un certain temps. Mais depuis combien de temps ? Êtes-vous chômeur si vous travaillez une heure par semaine ? Il y a donc des catégories : A, B, C… Mais du moment que le débat tait généralement ces subtilités, vous pouvez utiliser le chiffre qui vous arrange. Vous vous rappelez François Hollande qui, vers la fin de son mandat, a dit : 'Je vais me représenter si j’arrive à inverser la courbe du chômage'. À ce moment-là, tout le monde aurait dû s’arrêter et se dire : ‘Attendez, quelle est la métrique qu’on regarde ensemble, de quoi parle-t-on ?’. Parce que François Hollande aurait pu dire : 'On regarde les catégories A et B, pas l’ensemble, cette courbe-là s’est bien inversée'".
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