Violaine des Courières est auteure du livre "Le management totalitaire" (Éditions Albin Michel).
Violaine des Courières : "Les actionnaires se fichent de l’entreprise dans laquelle ils investissent"
"J’avais la question de la dérive totalitaire en tête, et je voulais poser la question à ces anciens PDG. Et je pensais qu’ils allaient lever les yeux au ciel. Et j’ai été très marquée parce qu’ils ont soulevé le mot. Dans cette enquête qui a duré cinq ans, je parle d’une interview avec Henri Proglio, ancien PDG de Veolia, puis d’EDF. Il a vu l’étau financier se resserrer, et il me dit : 'je suis comme un coureur avec toujours la mesure de ma tension, et c’est la mesure de l’action en Bourse'. Il m’a dit : aujourd’hui le monde est tout aussi échelonné que les castes indiennes : tout en haut il y a les financiers, plus bas il y a les industriels. Et les derniers, ce sont les esclaves, les salariés.
Il y a trente ans, vous aviez des chefs d’entreprise qui étaient les actionnaires les uns des autres, qui étaient dans les conseils d’administration. Certes il y avait un entre-soi, mais ceux qui étaient dans les conseils d’administration et les actionnaires, ils savaient ce que c’était que l’entreprise, ils connaissaient la réalité, ils la pratiquaient. Henri Lachmann, le PDG de Schneider Electric jusqu’en 2005, m’a dit : 'Les actionnaires d’aujourd’hui sont des terroristes, ce sont des spéculateurs, ils se fichent de l’entreprise dans laquelle ils investissent'. Que ce soit une entreprise industrielle ou un télécom, ils veulent la même chose : le rendement", a raconté Violaine des Courières.
"La tyrannie du court-terme se traduit par une vision trimestrielle"
"À partir du moment où tout en haut il y a une tyrannie du court-terme, elle se traduit par une vision brouillée, une vision trimestrielle. Alors on recrute en CDI certes, mais la période d’essai se termine souvent à la fin du trimestre parce qu’à la fin du trimestre il y a une nouvelle vision. Ce changement permanent, ce management par l’instabilité fait qu’en France, malgré son droit du travail très cadré, on est sur un mode de management anglo-saxon avec des missions courtes.
Dans mon livre, je parle aussi d’une méthode de tri qui s’appelle le ranking. Cette méthode a été utilisée pour la première fois chez Microsoft dans les années 2000. Chez Microsoft, sur une équipe de 10 personnes, il y avait 7 faibles contributeurs, 2 hauts potentiels et 1 médian. Cela vous donner l’objectif de ce classement. En plus, dans certaines entreprises vous avez des quotas de faibles contributeurs. Et ces faibles contributeurs sont ensuite menés vers la sortie. Ce sont des entreprises qui veulent se séparer régulièrement de leurs salariés pour adapter la masse salariale au chiffre d’affaires. Chez Sanofi, il y avait jusqu’en 2017 cette pratique des quotas. Or, la Cour de cassation a interdit cette pratique des quotas en 2013", a fait savoir Violaine des Courières.
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