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Tigrane Yégavian : "Le Yémen, c’est le glacis de l’Arabie saoudite"

Par Jean Baptiste Giraud

Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France à Moscou, auteur de "Vivre avec Poutine" (Editeur Temporis) et Tigrane Yégavian, chercheur au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), étaient les invités de "Philippe David dans tous ses états" le 16 mars 2023 sur Sud Radio.

Claude Blanchemaison et Tigrane Yégavian
Claude Blanchemaison et Tigrane Yégavian, invités de Philippe David dans "Philippe David dans tous ses états” sur Sud Radio.

Sous l’impulsion de la Chine, l’Iran et l’Arabie saoudite ont rétabli leurs relations diplomatiques. Quel intérêt la Chine a-t-elle à ce que ces deux pays se parlent à nouveau ? Élément de réponse avec Claude Blanchemaison et Tigrane Yégavian.

 

Claude Blanchemaison : "La ministre indienne des Affaires étrangères de l’époque, appelait cela le 'multi-alignement'"

"Cela ne n’a pas surpris tant que ça. C’est un succès diplomatique pour la Chine, qui fait son grand retour sur la scène internationale. Et ensuite parce que les relations internationales ont changé de nature. C’était déjà en cours auparavant, et la guerre d’Ukraine le marque encore plus. Les alliances rigides, classiques, les camps fermés, je crois que ça fait partie du passé. Aujourd’hui, il y a une certaine souplesse dans les relations internationales. C’était le cas dans le pays où j’ai servi, qui est l’Inde. Sushma Swaraj, la ministre indienne des Affaires étrangères de l’époque, appelait cela le 'multi-alignement'. Il n’y a plus d’alliances fixes sur tous les sujets, il y a des accords de coopération avec beaucoup de pays, et on choisit le segment de la coopération qui convient dans les rapports bilatéraux.

 


L’Iran comme l’Arabie saoudite ont un intérêt diffus à modifier l’équilibre des relations internationales à long terme, à faire évoluer la gouvernance des relations internationales et du monde globalisé dans lequel nous vivons, dont les règles ont été grosso modo établies par les pays développés, essentiellement les États-Unis."

Tigrane Yégavian : "L’avantage des Chinois par rapport aux Occidentaux, c’est qu’ils ne s’encombrent pas de considérations morales, droitsdelhommistes"

"Il y a des ruptures et des continuités. La rupture, c’est que la Chine adopte une position plus audacieuse, alors qu’elle était habituellement en retrait des grandes questions internationales. Elle ne faisait pas office de médiatrice, elle faisait office de courtier qui défendait uniquement ses intérêts commerciaux et économiques. La Chine a des relations transactionnelles, économiques fortes à la fois avec l’Iran et l’Arabie saoudite. C’est dans son intérêt qu’il y ait une convergence de vues voire une cogestion de plusieurs dossiers importants, stratégiques.

 


Le Yémen, par exemple, c’est le glacis de l’Arabie saoudite. C’est l’équivalent du Donbass pour la Russie ou le Taïwan pour la Chine. Il y a une guerre proxy entre les Iraniens et les Saoudiens sur le terrain yéménite. Et l’avantage des Chinois par rapport aux Occidentaux, c’est qu’ils ne s’encombrent pas de considérations morales, droitsdelhommistes. Il faut dire que les Chinois n’ont pas obtenu cette victoire diplomatique tous seuls, ils doivent beaucoup à l’Oman, qui est un pays discret mais très actif dans la diplomatie régionale, dans la médiation entre les principaux acteurs. L’Oman parle avec tout le monde : avec la Syrie, avec l’Iran, avec Israël. Et puis les Émirats arabes unis aussi avaient intérêt à ce qu’il y ait une convergence irano-saoudienne", a expliqué pour sa part Tigrane Yégavian.


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