Le mouvement #MeToo a révolutionné les relations entre les hommes et les femmes rendant obsolète certaines expressions comme l’horrible “devoir conjugal”. Et comme pour toute révolution il y a des intempérances, avec des Danton et des Robespierre. Je crois que cette révolution était nécessaire car malheureusement la société n’avait pas su faire évoluer suffisamment les relations entre les hommes et les femmes depuis les années 70. Mais qui est capable de changer, a fortiori quand on parle d’une société entière, si un événement ne l’oblige pas à évoluer ? Comme s’il fallait toujours un chaos pour qu’une prise de conscience ait lieu…
Le mouvement #MeToo va-t-il trop loin ?
Ceci étant dit, j’ai récemment assisté à un débat au théâtre Marigny entre Sabine PROKHORIS et Emmanuelle DANCOURT dont le sujet était « le mouvement #MeToo va-t-il trop loin ? ». J’y suis allée en compagnie de Philippe BRENOT que je n’ai plus à vous présenter puisqu’il est régulièrement invité dans mon émission. Tous les deux, nous étions d’accord sur le peu d’intérêt de ce débat. Emmanuelle DANCOURT racontait sa propre histoire de victime et Sabine PROKHORIS tentait de démontrer en quoi elle considérait que le mouvement allait trop loin. Il n’y a pas eu réellement de débat puisqu’elles ne parlaient pas la même langue.
Bien sûr, je comprends la souffrance des victimes pour les recevoir si souvent à l’antenne mais je ne crois pas que le statut de victime, si statut il y a, puisse suffire à justifier des arguments. D’autant qu’Emmanuelle se présentait comme journaliste. Or, elle nous raconta son agression, la mimant avec gestes et cris, basant son discours sur l’émotion. Celui-ci remporta plutôt l’adhésion du public et personne n'a vraiment entendu avec quelle intelligence mordante Sabine PROKHORIS démontra en quoi #MeToo allait trop loin.
Vous avez compris vers qui va mon cœur ! Ce qui m’a déçue, ce fut le parti pris de l’organisatrice de ce débat. Il me semble que lorsqu’on présente un débat, il s’agit de rester neutre quel que soit notre avis… C'est là le problème de l'élan #MeToo.
Une société n’a jamais rien à gagner à mélanger sociétal et intime. Aujourd’hui, il ne se passe pas une semaine sans que les médias et les réseaux sociaux fassent la confusion entre les deux. De plus, je ne crois pas que les hommes violents et abuseurs changeront malgré les risques qu’ils encourent. La preuve, tous les mois sort une nouvelle affaire qui ne date pas nécessairement d’y il y a des années. On voit bien l’impunité…
D’ailleurs un ami, ancien commissaire qui travaille avec ces hommes lors de stages, me raconte à quel point la plupart d’entre eux ne savent pas se remettre en cause.
Une révolution indispensable… qui nous laisse pourtant dans une impasse
A ma manière, je me suis battue pour la liberté des femmes. J’ai connu bon nombre de féministes qui se sont battues pour le droit à l’IVG, pour le droit à la contraception, pour cette égalité encore si fragile. Les jeunes féministes actuelles oublient d’où nous viennent nos libertés chèrement acquises. Elles me font penser à Robespierre. Se voulant plus pures que pures. Faut-il couper la tête, pour ne pas dire les couilles, de tous les hommes ?
Je fais donc ce triste bilan : aux siècles derniers, la grande majorité des femmes étaient soumises, à présent, elles se posent en victimes. Une victime ne sera jamais libre tant qu’elle sera définie par son rôle de victime. Or selon moi #Metoo les encourage trop souvent à le rester sans les aider à se reconstruire. La justice n’a pas encore pour but de réparer. Faire croire aux femmes qu’elle a ce pouvoir, c’est les tromper.
De nombreuses femmes ont subi des abus sexuels dans l’enfance, ce sont faites violées, pour toutes ces femmes cette révolution était indispensable. Pour le reste, nous sommes dans une impasse !
#Metoo au lieu d’éclairer toutes les nuances des rapports de séduction et des rapports sexuels tend à nier nos différences. Comme si dans la sexualité la pulsion masculine et féminine étaient totalement identiques. Au lieu de faire avancer la compréhension de ce que sont les rapports humains entre femmes et hommes, #Metoo a déclaré la guerre des sexes. Personnellement, j’ai toujours considéré que le terme de consentement était un mauvais terme. Le seul rapport sexuel qui pourrait convenir à ce terme, c’est le rapport sexuel tarifé. Dans ce cas, en effet, le client et la prostituée se sont mis d’accord sur ce qui doit se passer sexuellement entre eux.
Pour le reste, il y a le désir et l’envie. Et dans la vie, nous ne savons jamais vraiment ce que nous allons ressentir au-delà. Nos désirs, notre excitation, nos envies sont changeantes. C’est tout ce qui en fait le charme mais en effet aussi le risque.
J’ai pris tous les risques à vingt ans, j’ai souffert dans ma chair certes mais je ne serais pas devenue cette femme épanouie et libre sans ces risques. Il n'est pas question ici de justifier des actes mal intentionnés mais plutôt d'affirmer que la sexualité est ce qui nous permet de nous construire dans notre identité et d’avancer dans la connaissance de soi. Elle nous aide même parfois à surmonter un mal de vivre ou à dépasser des traumas. #Metoo ne nous explique rien sur ce qu’est la sexualité. #Metoo la diabolise, à croire qu’il s’agit d’une nouvelle religion totalitaire.
Brigitte Lahaie
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