Autant écrivain qu'activiste, Wole Soyinka, qui reçu le prix Nobel de littérature en 1986, avait juré qu'il quitterait les États-Unis dans le cas, hautement improbable, ou Donald Trump remporterait l'élection. Dès l'annonce de la victoire écrasante de l'adversaire d'Hillary Clinton, le prix Nobel s'est délesté de la fameuse carte verte, qui lui avait permis durant 20 ans de résider et travailler aux États-Unis. Maintenant, il s'envole vers de nouveaux horizons, puisqu'il part, non pas dans son pays natal, le Nigeria, mais en Afrique du Sud.
Il se prépare pour un gros débat sur la « décolonisation et l'africanisation du savoir dans le système éducatif sud-africain ». Un thème raccord avec les engagements de l'écrivain que sont l'émancipation définitive des peuples d'Afrique, la consolidation des systèmes démocratiques et l'instauration d'une justice fiable au Nigeria. Mais que ses laudateurs se rassurent, même loin des États-Unis, Wole Soyinka ne cessera pas de critiquer les moindres actions du nouveau Président. Il a d'ailleurs profité du dernier Salon du Livre, à Paris, pour dire tout le mal qu'il pensait des méthodes de Donald Trump.
Mais la lutte continue
Il y a livré sa très fine analyse de la situation en expliquant que Donald Trump est « arrivé au pouvoir grâce aux a priori des autres ». Il parle également d'une « xénophobie latente » de ses contemporains, que le président américain aurait exploité, afin d'accéder à la Maison Blanche. Intraitable, il refuse catégoriquement « l'érection de murs, particulièrement dans les esprits des gens ». Un juteux contrat que les horribles entreprises du bâtiment mental aimeraient bien décrocher, on n'en doute pas.
Un engagement radical qui vient du fait que Wole Soyinka n'a pas oublié les agissements du gouvernement nigérian en 1983. Frappé par une sévère chute des cours du pétrole, ce dernier avait décidé « d'expulser les étrangers pour cacher ses problèmes ». Ce sont deux millions de clandestins, dont la plupart étaient Ghanéens, qui avaient dû quitter le Nigeria en seulement quelques semaines. « On voyait des cohortes de réfugiés qui embarquaient dans des camions bringuebalants pour retourner dans leur pays », se remémore l'écrivain.