Connu pour ses démêlés avec le fisc français, le chanteur français Florent Pagny fait de nouveau parler de lui à la rubrique "impôt", puisqu'il vient d'annoncer son intention de s'installer au Portugal pour des raisons fiscales. Entretemps, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire lui a demandé de rester, arguant du fait qu'un nouveau projet de loi, incitant ceux qui produisent des richesses et des emplois à rester dans le pays, était à l'étude. Pas sûr néanmoins que cela suffise à convaincre l'artiste. Toujours est-il que cet exil fiscal n'a pas manqué de faire réagir et notamment l'Organisation non gouvernementale Oxfam, qui lutte contre la pauvreté.
"Il est normal que les individus contribuent à l'effort national à hauteur de leurs richesses"
Invitée ce mardi du Grand Soir Sud Radio, la porte-parole de l'ONG, Manon Aubry, s'est ainsi exprimée sur le sujet, rappelant le rôle primordial des impôts tout en taclant au passage les plus fortunés qui auraient trop tendance à frauder le fisc. "Ceux qui en général cherchent le plus possible à payer le moins d'impôt sont ceux qui en ont les moyens, donc ce sont les plus riches", affirme-t-elle. "Il ne faut pas oublier que les pauvres payent aussi des impôts et ce sont des impôts plus difficiles à éviter comme la TVA et la CSG", rappelle-t-elle. "L'évasion fiscale est devenue un sport très développé chez les très riches, les sportifs et les chanteurs", poursuit-elle.
Quant à la question de savoir si la pression fiscale sur les plus riches est justifiée, là encore, M. Aubry tient un discours rôdé sur la nécessité du mécanisme fiscal. "On oublie souvent à quoi servent les impôts. Si la pression fiscale est si forte - et je ne parlerais pas de pression mais plutôt de contribution - c'est parce qu'un tout petit effort est demandé aux très très riches pour financer ce dont ils bénéficient", rétorque-t-elle, ajoutant avoir "du mal à croire que le business de tous ces gens très riches se serait développé si, derrière, ils n'avaient pas bénéficié d'écoles, de routes ect". "Tout ça a un coût et ce coût est assumé par des impôts. Il est normal pour nous que les individus et les entreprises contribuent à l'effort national à hauteur de leurs richesses, on ne va pas demander à un smicard de payer 3 000 000 d'euros par an", peste-t-elle.
"Une société sans impôt, c'est une société où il n'y aura plus de service public"
Interrogée par ailleurs sur la logique économique des pays qui, en allégeant certaines conditions fiscales, espèrent faire venir de riches "portes-monnaie", Manon Aubry y voit un risque pour les services publics et cite l'exemple de l'impôt sur la fortune en France. "Aujourd'hui, le gouvernement veut supprimer une grande partie de l'ISF. Donc, il y a plus de 3,5 milliards d'euros qui vont être rendus aux 1% des plus riches. Dans le même temps, on est en train de baisser, à la même hauteur, le budget du logement qui sert par exemple à financer les APL. Donc, qui dit moins d'ISF dit moins d'aide au logement et moins d'aide au population les plus pauvres", déplore-t-elle. Et l'intéressée de souligner la problématique sociétale que ce procédé risque d'engendrer : "C'est un choix de société à faire : est-ce que l'on veut aujourd'hui privilégier les plus riches ou est-ce que l'on veut une société plus harmonieuse, moins inégalitaire et qui utilise une partie des ressources des impôts pour financer des services publics et des aides sociales ?". "Le vrai risque avec ce petit jeu là joué par le Portugal et d'autres, c'est qu'il n'y ait plus d'impôts demain et une société sans impôt, c'est une société où il n'y aura plus de service public", conclut-elle.