Les routiers s’apprêtent-ils à passer à l’action contre les ordonnances prévues par le gouvernement pour réformer le Code du travail ? C’est bien possible à en croire Patrick Blaise, secrétaire général CFDT de la fédération des routiers, qui mène ce lundi une délégation au ministère du Travail pour tenter d’être reçus. Invité du Grand Matin Sud Radio, le syndicaliste regrette notamment que ces ordonnances viennent saper un long travail de négociation pour essayer de rendre plus attractif le métier de routier.
"Notre convention collective n’est pas suffisamment attrayante"
"Dans notre secteur d’activité, il faut savoir qu’il y a 30 000 postes à pourvoir qui ne sont pas pourvus aujourd’hui : 17 000 postes de conducteurs, et d’autres de sédentaires, d’agents de quais, d’employés et autres. Pourquoi ces postes ne sont pas pourvus ? Tout simplement parce que notre convention collective n’est pas suffisamment attrayante. Cela fait quelques mois qu’on négocie cette convention avec les organisations patronales et salariales, et voilà que les ordonnances nous tombent dessus. Dans notre secteur, il y a 80% de PME-TPE. Cela veut donc dire que le travail de négociation et d’évolution qu’on fait actuellement est balayé d’un coup de main dans 80% des entreprises puisqu’elles n’auront plus besoin ni de nous ni de la convention, un simple accord avec référendum suffisant désormais pour appliquer quelque chose qui pourrait être inférieur à la convention collective. Par ailleurs, les 20% qui restent sont aussi impactés puisqu’il s’agit de grands groupes et le périmètre économique qui était auparavant sur l’entreprise-reine, que ce soit l’Europe ou le monde, est maintenant réduit à la France. On craint des montages économiques dans certaines entreprises pour essayer de délocaliser. On est donc impactés à 100% par ces ordonnances dans notre profession", déplore-t-il.
"C’est dur comme métier"
Patrick Blaise fustige également une précarisation du métier de routier avec ces ordonnances. "Aujourd’hui, un chauffeur routier est en moyenne à 10 euros de l’heure, au Smig. Il a des frais, à côté. Or, demain, une TPE-PME pourra très bien diminuer les frais conventionnels dans le cadre d’un accord d’entreprise. C’est ce qui pourrait arriver, alors qu’on a un verrou sur ça aujourd’hui. Demain, les entreprises pourraient très bien dire qu’elles ne prendront en compte uniquement le temps de conduite (ce qui se fait déjà bien souvent). C’est dur comme métier, parce que s’il n’était pas si dur que ça, on aurait trouvé des personnes pour combler ces emplois. (…) On a déjà perdu beaucoup d’emplois pris par des conducteurs étrangers, néanmoins on a quand même besoin de conducteurs français. C’est tout le paradoxe aujourd’hui dans notre profession. Vous avez dans chaque entreprise des offres d’emploi de conducteurs, d’agents de quais, d’employés, qui sont disponibles", déclare-t-il.
"Compliqué d’annoncer des blocages dès maintenant"
Alors que la CGT et FO appellent à une journée d’action des routiers le 3 octobre, faisant planer le risque d’une paralysation des axes routiers du pays, la CFDT n’a pas prévu jusqu’ici d’y prendre part. "Pour l’instant il n’est pas question de nous joindre à cet appel. Nous sommes fortement mobilisés aujourd’hui, nous avons voulu montrer au gouvernement la problématique de ces ordonnances, j’espère qu’ils les comprendront. Si la CFDT n’est pas entendue, la deuxième phase sera le 3 octobre, où notre confédération réunira plus de 10 000 militants à la Villette avec Laurent Berger. Derrière, on pourra agir, mais je pense qu’il est compliqué d’annoncer des blocages dès maintenant alors qu’on n’a pas encore disséqué juridiquement toutes les ordonnances", assure-t-il.
Réécoutez ici l’interview complète de Patrick Blaise dans le Grand Matin Sud Radio