Emmanuel Macron a décidé de durcir les contrôles sur les chômeurs. Malgré les apparences, cette décision n’a rien à voir avec la lutte contre le chômage ou avec la morale. Durcir les contrôles n’a jamais, nulle part, fait baisser le taux de chômage ni résolu le lancinant problème des professions qui ne trouvent plus, ou difficilement, la main-d’œuvre qui leur est nécessaire. Durcir les contrôles n’est pas plus efficace dans la lutte contre le chômage de masse que la dégressivité des allocations-chômage. D’abord parce qu’on ne sait pas contrôler efficacement, quand on a à gérer près de 3,5 millions de chômeurs et même plus de 5,6 millions si l’on compte toutes les catégories de chômeurs inscrits à Pôle Emploi… Comment contrôler la bonne volonté de 3,5 millions de personnes à retrouver un emploi ? Comment contrôler l’effectivité des démarches ? Comment mesurer le caractère raisonnable ou non d’une offre d’emploi dont le refus pourrait être sanctionné ?
On peut bien sûr avancer l’effet incitatif de la menace de sanction pour pousser les chômeurs à reprendre au plus vite n’importe quel emploi. Mais est-ce une bonne idée de pousser le travailleur qualifié à prendre le travail de celui qui n’a pas de qualification ? Est-ce la façon la plus rationnelle, la plus économique, d’utiliser le potentiel humain de la nation, de valoriser les compétences, l’investissement dans la formation ? N’est-il pas contradictoire de vanter les mérites de la formation professionnelle d’un côté et de pousser le chômeur à accepter n’importe quel emploi de l’autre ? Alors que faire ? On ne peut quand même pas laisser les profiteurs détourner l’assurance-chômage au détriment de ceux qui travaillent dur et qui cotisent, et de ceux qui font vraiment un effort et veulent vraiment travailler. Mais comme on ne sait pas très bien faire, le risque est quand même d’ajouter du malheur au malheur, car pour la plupart des chômeurs, le chômage est un malheur, une disqualification autant qu’une déqualification sociale et psychologique.
Cherchez donc du travail à l’approche de la cinquantaine, vous verrez comme c’est facile. Alors comment faire ? Se souvenir peut-être de ce que disait Einstein : «ne jamais se poser des problèmes qui n’ont pas de solution». Occupons-nous sérieusement des vrais fraudeurs, de ceux qui touchent les allocations tout en travaillant au noir ou en trafiquant. Occupons-nous de relancer l’économie. Interrogeons-nous sur nos politiques économiques. Ils ne sont sans doute pas si nombreux, les chômeurs qui sont contents d’allonger la durée de leur chômage…
Tout cela, Emmanuel Macron le sait bien. Il sait très bien que ça n’a pas beaucoup de sens économiquement, et que si l’on voulait vraiment contrôler tout le monde, ça coûterait beaucoup plus cher que ça ne rapporterait. Il sait très bien que ce n’est ni économique ni moral. Il le sait très bien, mais il fait de la politique, de la stratégie politique. La gauche, celle qu’il pouvait récupérer, celle des sociaux-démocrates orphelins et des bobos qui sont tout naturellement venus vers lui, il ne la perdra pas. Le centre, pour une fois qu’il a l’impression d’exister, il pense qu’il ne le perdra pas non plus. Alors il calcule, et il calcule bien. Il courtise la droite qui a fait sécession. Il lui fait des clins d’œil, des signes, il l’attire avec des symboles. Avec tout ce qu’elle aime : l’ordre, la morale, le libéralisme économique. Ou avec ce qu’elle n’aime pas : l’immigration, l’assistanat, les migrants, les chômeurs.
Durcir le contrôle des migrants, des chômeurs, mettre en avant l’école de Jean-Michel Blanquer, voilà qui est d’abord un appel du pied à cette droite qui a fait sécession de la droite traditionnelle. Alors entre le Front national et Emmanuel Macron, la tâche ne sera pas facile du tout pour Laurent Wauquiez dans les mois qui viennent.
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