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Corse : pourquoi il faut être prudent avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

La situation actuelle de la Corse, où la pression autonomiste se renforce, fait écho au beau mais ambigu principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

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C’est un argument qu’on entend souvent dans la bouche des autonomistes et nationalistes : les Corses ont voté pour eux, donc la démocratie a parlé. C’est le même argument employé par les indépendantistes catalans et d’autres dans le monde entier. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un très beau principe international datant du 19ème siècle, à l’époque où les peuples se révoltaient contre les empires, désignés comme les prisons des peuples (empire russe, empire austro-hongrois, empire ottoman…).

C’est un bon principe qui nous renvoie à de grandes histoires : la décolonisation, le "Vive le Québec libre !" du général de Gaulle, la libération des pays de l’Est au moment de l’effondrement de l’empire soviétique. Mais c’est un principe ambigu, qui ne se suffit pas à lui-même. Il ne faut pas confondre une élection régionale avec un référendum d’auto-détermination. La véritable question, c’est de savoir ce qu’est un peuple. Or, un peuple c’est quelque chose qui n’a pas de définition rationnelle. On est un peuple quand on a conscience d’être un peuple. C’est forgé par l’Histoire, par l’anthropologie, etc.

Il existe des formes de conscience d’appartenance, mais un vrai peuple est une communauté dans laquelle on accepte de partager le pouvoir et les richesses, on accepte la loi de la majorité. Un peuple, au fond, c’est l’Histoire qui l’impose. Et parfois, celle-ci impose tout autre chose ! Regardez le Liban, l’Irak, l’Ukraine, la Libye, le Soudan, l’Italie ou l’Espagne… Elle a aussi forgé des peuples qui se sont agrégés mais sans toujours s’intégrer complètement. Il est parfois impossible de réussir la constitution d’une nation à partir d’agrégats dispersés comme la France a réussi à le faire. Nous payons d’ailleurs aujourd’hui l’échec des nationalismes arabes car les colonisateurs ont tracé après la Première Guerre mondiale des frontières qui ne correspondaient pas aux peuples. Ainsi, l’Égypte a un peuple mais l’Irak et la Syrie en ont plusieurs.

Il y a deux façons de regarder les choses. Un Français à l’étranger est toujours un Français, il fait partie du peuple français. En revanche, il y a des résidents en France qui ne font pas partie du peuple français car ils ne sont que de passage.

Définir le peuple électoralement est donc très compliqué et le problème se pose quand ça se confond avec un territoire (Corse, Catalogne, Kurdistan, Libye...). En tant que principe, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne veut pas dire que n’importe quelle parcelle du peuple a le droit de prendre le large. Chacun peut partir s’il veut émigrer, mais partir avec son pays, c’est très différent. Quand on fait de l’auto-détermination, on fait en général d’abord se prononcer le peuple entier, comme pour l’Algérie ou la Nouvelle-Calédonie par exemple. Et une fois que le peuple français s’est prononcé, on peut alors faire un référendum en Corse. Mais on n’en est pas là.

Il n’y a aucune raison de considérer que des élections régionales qui ne concernent qu’une petite partie de ceux qui pourraient s’appeler Corses ou Catalans soient équivalentes à un référendum d’autodétermination. Oui à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais manipulons ce concept avec beaucoup de prudence.

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