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Éducation : pourquoi ce qui était accompli hier ne l'est plus aujourd'hui ?

Quand on parle d'éducation, on parle d'algorithmes, de remises à niveaux. On est loin de la grande promesse de la République, l'émancipation par le savoir.

La IIIe République a mis l’école au cœur d’une politique de civilisation qui embrassait les sciences, les arts et la morale. C’était le grand projet des Lumières accompli.

C’était la République des instituteurs, qui n’étaient pas toujours des modèles de tolérance, mais qui voulaient faire des citoyens, des hommes libres, des hommes dignes, avec les enfants qu’on leur confiait. Ils avaient un idéal, une éthique, une intransigeance. Ils aimaient leurs élèves, c’est pour ça qu’il les tiraient vers le haut.

Ils étaient élitistes, c’est devenu un gros mot, parce qu’ils savaient que c’était la seule chance donnée aux fils de paysans et d’ouvriers de s’élever dans la société.

Beaucoup ressemblaient à l’instituteur d’Albert Camus, Monsieur Germain, que l’écrivain remercia en recevant son prix Nobel de littérature : ‘Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de cela ne serait arrivé’.

Ces instituteurs, les enfants de ma génération en ont croisé beaucoup, je suis sûr qu’il y en a toujours. Mais l’école d’aujourd’hui n’est plus la même.

La nostalgie, c’est souvent le coup de pied aux fesses donné aux amnésiques, comme le disait Régis Debré. Cela nous oblige à nous demander pourquoi ce qui était accompli hier en matière d’alphabétisation, d’apprentissage de la vie en société, de civisme, ne pourrait plus l’être aujourd’hui. C’est peut-être simplement que nous avons renoncé à ce qu’on appelait jadis l’instruction publique. Transmettre des savoir, y compris des savoirs-vivre, une histoire, une culture, faire des enfants des adultes et non des grands enfants.

Le passé ne reviendra pas, mais n’avons-nous aucune leçon à en tirer ? N’avons-nous pas échoué pour le plus grand nombre dans notre devoir de transmission par manque d’exigence, par égalitarisme, mais aussi par utilitarisme et par pédagogisme.

Le pédagogisme, c’est ‘chacun doit devenir auto-entrepreneur de sa propre éducation’. La pédagogie, oui. Le pédagogisme, non.

Apprendre à devenir un homme libre, à penser, à raisonner, à ouvrir son esprit et son intelligence, et apprendre un métier, ce sont deux choses différentes.

Selon le type d’intelligence, la voie que l’on a choisi, que l’on est plus ou moins porté sur l’abstraction ou la spéculation intellectuelle, l’apprentissage du métier vient plus ou moins tardivement dans le cursus scolaire.

Mais souvent, ce qui a l’air de ne servir à rien est le plus important dans une vie. La poésie, la beauté, la philosophie, la connaissance pure. Lors des débats sur la réforme du lycée, j’avais été frappé par la réponse d’un professeur de lettres classiques à la question ‘À quoi servent le latin et le grec ?’ Il avait répondu : ‘À rien, sinon à apprendre à rester humain’.

Demandez-vous pourquoi un artisan ne veut pas prendre pour apprenti un enfant qui n’est pas éduqué et qui n’a rien appris à l’école.

Peut-être que le grand chantier de l’éducation, de la formation, de l’instruction, est à prendre par ce bout-là. Par la réponse à la question ‘Mais quel est donc notre idéal humain ?’

Écoutez l'édito d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Philippe Verdier et Sophie Gaillard

 

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