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Elisabeth Levy: "C'était mieux avant"

EDITO. C’était mieux avant, et ce n’est pas moi qui vous le dis, c’est Michel Sardou. Invité hier de l’émission Laissez vous tenter de RTL, pour "N’écoutez pas mesdames" de Sacha Guitry au théâtre de la Michodière à partir du 12 septembre.

On parlait donc de théâtre entre gens de bonne compagnie quand, titillé par Monique Younès, il a lâché cet aveu : « Je hais cette époque. Je hais ce siècle. Dans les années 80 la vie était plus souple, plus détendue. On pouvait fumer, faire l’amour, conduire vite. Aujourd’hui, on n’ plus aucune liberté ».  Sardou a beau avoir un lourd passé d’homme de droite, il est une star. Comme Depardieu, Delon ou Houellebecq. Ils peuvent donc vomir le monde contemporain ou chanter les louanges d’un dictateur sans être blacklistés : le progressiste a des convictions, mais il respecte ce qui brille. Leur immense popularité les protège.

La nostalgie, pêché le mieux partagé de France

Pourtant, s’il y a bien une chose que notre époque ne tolère pas, c’est qu’on ne l’aime pas. Pour la pensée dominante, que l’on disait hier de gauche et qui s’appelle aujourd’hui progressiste, toute innovation est un bienfait. En conséquence, la nostalgie est un crime et l’approbation un devoir citoyen. Quand Alain Finkielkraut, Eric Zemmour ou bien d’autres tiennent ce genre de propos, ils sont affublés de noms d’oiseaux allant de déclinistes à réactionnaires. Nous avons Greta Thunberg et le tri sélectif, les tablettes à l’école et la PMA pour toutes, Twitter et le principe de précaution. Nous pouvons dénoncer quiconque fait une blague qui nous offusque, et obtenir le renvoi de n’importe quel dragueur lourd. Vous n’allez pas regretter les temps obscurs d’avant la parité, la trottinette, et les photos de cancéreux sur les paquets de cigarette ? Eh bien si ! Toutes les enquêtes le montrent, la nostalgie est le péché le mieux partagé de France. (Rentrée des classes : tout le monde pense qu’ne école où les enfants du peuple apprenaient à lire et à écrire, c’était mieux que notre école égalitaire qui donne à tout le monde un bac sans aucune valeur).  Autre registre (que j’affectionne): Nos médias et nos élites célèbrent la révolution #metoo et dénoncent la prétendue culture du viol mais nous adorons Jean Gabin et les années 70 qui n’étaient pas blanc bleu sur le front de l’égalité des sexes. Michel Sardou lui-même:

« S'installer à la Présidence Et de là faire bander la France » ?!! Ce magnifique hommage à la liberté des femmes serait dénoncé comme sexiste aujourd’hui. Comme Brassens, Stendhal et d’ailleurs toute la littérature française.

Pourquoi cette nostalgie, notamment des années 70 et 80 ? A cause des trente glorieuses ?

Idée que tes enfants feront mieux que toi mais pas seulement. Beaucoup de raisons, j’en choisirais deux qui sont liées:

- Crise identitaire. Nous ne savons plus ce qui nous rassemble. D’où le sentiment de perte de maîtrise de notre destin collectif. Nostalgie de la France des Chtis, pas une France blanche mais une France où les immigrés voulaient être des français comme les autres.

- Encore plus grave. Nous n’aimons plus la liberté. Nous voulons que l’on ménage notre susceptibilité, que l’on interdise par la loi les idées qui nous choquent. Incroyable rétrécissement de ce qui peut se dire. Donc se penser.

Alors certes, tout n’était pas mieux avant. Mais tout de même pas mal de choses. Peut-être l’essentiel. Et on a le droit de le dire, même quand on ne s’appelle pas Michel Sardou.

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