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En 1830 déjà, Chateaubriand s’interrogeait sur les conséquences de la mondialisation

Les actuelles dynamiques économiques, politiques, géopolitiques, sociales et culturelles de notre monde tendent aujourd’hui vers une globalisation de plus en plus poussée des sociétés. Il y a près de 200 ans déjà, certains pointaient du doigt les risques liés à un tel phénomène.

L’Inde, dit-on, pourrait passer en 2018 devant le Royaume-Uni et la France par la taille de son PIB. Le basculement de l’économie mondiale, prédit depuis si longtemps, est en train de s’accomplir. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Inde – on ne s’en souvient même plus – n’était encore qu’une colonie anglaise. Avec ses 1,3 milliard d’habitants (pas tous sortis de la misère, loin de là), ses ingénieurs, ses savants, ses entrepreneurs, elle est, comme la Chine, le nouveau visage de la puissance dans le monde. On peut évidemment se dire que ces économies-continents sont portées par des bulles spéculatives, qu’il y a une part d’illusion comme pour l’intelligence artificielle ou pour Internet. Mais comme pour Internet au début des années 2000, comme pour l’intelligence artificielle aujourd’hui, derrière les bulles il y a des réalités et des dynamiques de transformation du monde.

Ce n’est pas une raison cependant pour accepter tous les Ceta et tous les traités de libre-échange, pour se résigner à une globalisation qui effacerait toutes les frontières, supprimerait toutes les différences, aplanirait tous les obstacles au marché et à la marchandisation du monde, tous les obstacles à la constitution d’un modèle unique mondial. Bref, d’une civilisation unique. Encore une fois, seul l’esclave dit toujours oui. Après tout, nous pouvons dans le monde, même celui d’aujourd’hui, apprendre de temps en temps à dire non. Que resterait-il d’ailleurs de la civilisation dans la mondialisation et la financiarisation totale, dans la concentration jusqu’à l’absurde du capital financier ?

Encore faut-il, pour apprendre à dire non, prendre un peu de distance, réfléchir sur soi-même et sur le monde que nous habitons. Je voudrais citer ici quelques extraits d’un texte sur ce sujet. "On affirme que dans cette civilisation à naître, l’espèce s’agrandira. Je l’ai moi-même annoncé. Cependant, n’est-il pas à craindre que l’individu ne diminue ? La folie du moment est d’arriver à l’unité des peuples et à ne faire qu’un seul homme de l’espèce entière. Soit. Mais n’y avait-il rien dans la vie d’autrefois, rien dans cet espace borné, que vous aperceviez de votre fenêtre encadrée de lierre ? Au-delà de votre horizon, vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait à peine l’oiseau de passage. L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir. Il porte avec lui l’immensité. Asseyez-vous sur le tronc de l’arbre abattu au fond des bois. Si, dans l’oubli profond de vous-même, vous ne trouvez pas l’infini, il est inutile de vous égarer aux rivages du Gange. Quelle serait une société universelle qui n’aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni personne, ni indienne, ni chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? De la fusion des sociétés résulterait-il un idiome universel ? Sous quelles règles semblables, sous quelles lois uniques existerait cette société ? Comment trouver place sur une Terre agrandie par la puissance d’ubiquité et rétrécie par les petites proportions d’un globe fouillé partout ? Il ne resterait plus qu’à demander à la science le moyen de changer de planète".

Ce texte a été écrit en 1830 par René de Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe. On a l’impression qu’il a été écrit hier, mais la leçon est d’une actualité brûlante. C’est une leçon et une invitation pour chacun à réfléchir au monde que nous allons construire. C’est en y réfléchissant que nous le construirons meilleur.

Réécoutez ici en podcast l'édito d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

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