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Il est temps d’avoir un grand débat sur la liberté d’instruction en France

Emmanuel Macron a annoncé ce week-end la mise en place de modules d’enseignement contre le harcèlement sexuel dans toutes les écoles du service public en France.

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Quand il dit toutes les écoles du service public, j’ai envie de dire : "Et les autres ?". Ces modules sont une bonne idée, pourvu que le contenu ne mélange pas tout et ne fasse pas la part belle au féminisme échevelé pour lequel le sexisme commence avec la grammaire et se niche parfois dans les journées du patrimoine qu’il serait urgent, disent certains, de rebaptiser «journées du matrimoine et du patrimoine». Espérons que cet enseignement ne confondra pas non plus le harcèlement et l’agression sexuelle avec la séduction. À cette réserve près, c’est donc une bonne idée à l’heure où le statut de la femme fait l’objet de tant d’attaques dans notre société. Mais elle pose, au-delà de son contenu, le problème de son champ d’application.

S’appliquera-t-elle aussi aux écoles sous contrat ? Aux écoles hors contrat ? Pour les écoles sous contrat, il ne devrait pas y avoir de problème puisqu’elles appliquent le programme de l’Éducation nationale. Pour les autres, il en va tout autrement. C’est l’occasion de revenir sur un sujet qui enflamme tout de suite les passions mais dont il est urgent de discuter. C’est une vieille histoire qui remonte aux lois sur l’école de Jules Ferry. La loi de 1882 pose le principe de l’obligation de l’instruction, et non l’obligation d’aller à l’école. C’est le principe de la liberté d’enseignement qui permet aux familles de choisir librement la manière dont leurs enfants seront instruits, et même de les instruire eux-mêmes. Le corollaire de ce droit tel qu’il a été interprété jusqu’à présent, c’est que n’importe qui, ou presque, peut ouvrir une école ou scolariser ses enfants chez lui par simple déclaration. 

L’Éducation nationale peut contrôler – encore heureux – au nom du droit de l’enfant le contenu de l’instruction qui lui est délivrée. Un décret de 2016 a renforcé ce contrôle. En cas de manquement, les parents (ou le directeur, s’il s’agit d’une école hors contrat) sont passibles de poursuites pénales. À l’heure actuelle, on compte plus de 56 000 élèves scolarisés dans des écoles hors contrat et 25 000 à domicile. Le contrôle était – hélas – très épisodique jusqu’à présent et donnait assez peu fréquemment lieu à des poursuites. On verra ce que donnent les nouvelles modalités de ce contrôle, mais ce qui est certain, c’est que sans remettre en cause la liberté de choix des parents, on ne peut pas laisser des milliers d’enfants apprendre n’importe quoi.

Prenez le port du foulard à l’école. Son interdiction ne relève pas seulement d’une exigence de laïcité, mais aussi du fait que notre civilisation a forgé le statut de la personne et que l’école doit s’y conformer. À ce titre, il devrait être interdit dans toutes les écoles. Si l’on doit rendre obligatoire l’enseignement contre le harcèlement sexuel, il faut que ce soit le cas dans toutes les écoles. Dans toutes les écoles en France, on doit étudier les Croisades et la Shoah. Le négationnisme ne doit être au programme d’aucune école. Le créationnisme non plus, en tout cas dans les cours de science. Dans toutes les écoles en France, même confessionnelles, on doit faire la part des choses entre la religion et la science, entre le spirituel et le temporel. En France, à l’école on donne les moyens à l’enfant de devenir un adulte capable de former son propre jugement. L’instruction est une émancipation, non un conditionnement. Ce doit être ainsi dans toutes les catégories d’écoles et dans les familles où on a choisi d’instruire soi-même ses enfants.

Dans une société où l’imaginaire collectif, le socle des valeurs communs et l’idée partagée de la civilisation sont en train d’éclater, chacun peut avoir le droit d’instruire. Pour avoir ce droit, il devrait prendre un engagement sur le principe de ce qu’il enseigne et répondre à un critère de compétence. Le moment est venu d’un grand débat sur ce thème. Une charte commune devrait lier désormais tous ceux qui se chargent d’instruire. L’école, sous contrat ou non, publique ou privée, devrait être obligatoirement labellisée. S’il le faut, organisons un référendum pour changer la Constitution. Faisons déjà respecter ces principes et ces règles dans toutes les classes de l’école publique et dans tous les quartiers. La guerre scolaire est toujours latente, il est temps que nous prenions nos responsabilités collectives sur ce sujet.

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