Le candidat Macron avait promis un mois de service militaire, ce qui était déjà une formule discutable, car que peut-on faire en un mois ? Mais le principe était là.
C’est un vieux débat qui date du temps où Jacques Chirac a fini par renoncer au service militaire obligatoire qui, à l’époque, était dans un piteux état, compte tenu de toutes les dérogations et du fait qu’il ne s’adressait qu’à une partie des générations masculines.
Il faut revenir un instant sur la question de la défense nationale. La loi de programmation militaire, c’est aujourd’hui 162 milliards d’euros sur la période 2015-2019, c’est-à-dire à peu près 32,4 milliards d’euros par an. C’est beaucoup mais c’est insuffisant par rapport à toutes les missions que l’on confie aujourd’hui à nos militaires.
Il faut donc augmenter le budget de la défense nationale, mais on ne peut y parvenir que si l’on apprend enfin à valoriser le mieux possible les dépenses d’équipement et de recherche, comme savent si bien le faire les Américains, c’est-à-dire tirer de ces dépenses de défense le maximum de retours possible, une sorte retour sur investissement. C’est le seul moyen de payer la facture de défense, qui nous est absolument nécessaire. Comme disait Malraux, la Nation, c’est d’abord la défense nationale.
Pour les militaires, le service militaire apparaît donc, dans le contexte de pénurie budgétaire, comme une menace sur leurs moyens. Ils ont peur qu’une partie de leurs moyens, déjà insuffisants, soit consacrée à un service national qui en accaparerait beaucoup. Remarquons quand même que quand le service militaire a été supprimé, les moyens de l’armée professionnelle, qui est absolument indispensable, n’ont pas été accrus, au contraire. Ils n’ont cessé depuis de se réduire et les militaires de se plaindre.
Alors oui, il faut un service militaire parce que c’est autre chose que l’armée professionnelle. C’est la cohésion nationale. C’est apprendre à vivre avec les autres. C’est se trouver confronté à la règle. C’est apprendre la règle de vie en collectivité, de comportement. C’est être confronté à l’exigence. C’est aussi développer le sentiment d’appartenance à une collectivité, à la Nation. Enfin, c’est sans doute, aujourd’hui, la seule fois dans leur vie que notre jeunesse et même la plupart des Français vont rencontrer l’obligation.
Enfin, le dernier argument tient à la caractéristique de notre époque. Notre époque est caractérisée par une anomie, une absence de norme qui fait qu’un nombre croissant de jeunes Français n’ont plus de repères. Le service militaire, c’est aussi un moyen de combattre cette anomie qui va nous coûter très cher dans le futur.
Le service militaire est important aussi pour la Nation, pour connaître sa jeunesse, connaître ses jeunes, mesurer leurs difficultés ou parfois, pour certains, leurs dérives, ceux qui sont sur la mauvaise pente. C’est un moyen pour corriger leur trajectoire, pour éduquer, aider, accompagner. Pour sélectionner aussi ceux qui, demain, seront soldats.
On pourrait dire que ce n’est pas le rôle des militaires, c’est ce que disent certains. Je les renvoie à la lecture d’un très joli petit livre de la fin du XIXe siècle, rédigé par un certain futur Maréchal Liautey, à l’époque capitaine et qui s’appelle ‘Le rôle social de l’officier’.
Le rôle de l’armée est aussi de garantir la cohésion nationale parce que la cohésion nationale est la condition même de l’indépendance nationale et de la défense nationale.
Ce service militaire ne peut pas être d’un mois. Ça n’a pas de sens. Il ne peut pas être simplement pour les garçons. Dans la situation actuelle de la société, il doit être universel, filles et garçons.
Il doit être militaire, pas forcément parce que, pendant une période donnée, -je pense qu’un an est raisonnable, même si ça paraît déraisonnable pour beaucoup- il s’agit de forcer les jeunes à faire des activités militaires tout le temps. Mais il s’agit d’être tout le temps sous la discipline militaire. Pendant le service militaire, il n’y aura pas de voile, pas de longue barbe. Il y aura des uniformes et le code de discipline militaire.
Ça va coûter très cher, c’est toujours l’argument avancé. Il faut s’occuper de, si on prend par exemple l’année 1998, 773 500 jeunes qui ont 20 ans cette année. Mais ça coûte moins cher que l’anomie, qui a un coût considérable, qu’on n’évalue jamais. Un coût diffus, mais un coût énorme.
Tous les éducateurs, tous ceux qui s’occupent de ces questions de cohésion le diront.
Abandonner cette idée, je crois que c’est déraisonnable. L’opinion est très partagée. Les jeunes concernées sont réticents. Mais les enquêtes montrent que les parents, notamment, sont favorables.
Il faut au moins qu’on ait un vrai débat qui se conclue par un référendum parce que c’est à la nation tout entière de choisir.
Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Philippe Verdier et Sophie Gaillard