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Il y a huit ans jour pour jour disparaissait Philippe Séguin

Il y a huit ans jour pour jour disparaissait Philippe Séguin. Henri Guaino lui rend hommage dans sa chronique du jour.

Il y a huit ans, Philippe Séguin mourrait à 68 ans. Une mort tout aussi brutale que ne le fut sa démission de la présidence du RPR en 1999 ou encore son retrait de la vie politique en 2002. Il n'était pas patient Philippe Séguin, il avait ses coups de gueule et ses coups de tête. Il avait été ministre des Affaires sociales, président de l'Assemblée puis du RPR, avant d'échouer à la mairie de Paris, victime de la dissidence de Jean Tibéry. Lorsqu'il est mort, il était président de la Cour des comptes mais ce n'est pas pour ça qu'il a marqué notre imaginaire politique et qu'il a laissé une trace plus profonde que bien des présidents et autres Premiers ministres. Ce n'est pas pour sa carrière, ses postes et ses honneurs que l'émotion a été si grande au moment de son décès et ce n'est pas non plus la raison pour laquelle je voulais lui consacrer cette chronique. Philippe Séguin incarnait quelque chose qui aujourd'hui manque cruellement à la politique française.

Il était avec Charles Pasqua, son comparse de la campagne contre le traité de Maastricht, le dernier représentant en politique de ce que l'on a appelé le gaullisme social mais, plus encore, de ce vieux courant du gaullobonapartisme qui a transcendé la droite et la gauche au nom d'une idée élevée de la nation et de l'État. Pasqua avait un aigle impérial dans son bureau et une croix de Lorraine. Séguin, lui, avait écrit un très bon livre sur Napoléon III et il vénérait le général De Gaulle. Mais c'est d'abord et surtout par sa personnalité qu'il transcendait les clivages. Philippe Séguin, c'était, selon sa propre expression, l'orgueil du pauvre, le souvenir du petit enfant pauvre de Tunis qui continuait de vivre en lui. Le fils de l'institutrice qui élève seule son enfant après la mort du père dans les combats de la libération. Ce père qu'il a tant vénéré et en hommage duquel il a toujours refusé la légion d'honneur parce que celui-ci ne l'avait pas eu. Cet orgueil du pauvre qui ne s'est jamais totalement senti accepté par le milieu des puissants et des élites même s'il avait fait lui-même tout le cursus honorum. C'était l'homme des mots justes et des pensées fortes, encore habité par une certaine idée de la France et de la République. Il a quitté la vie politique au moment de la création de l'UMP, ce qui n'est pas anecdotique, bien au contraire, parce que c'est cette création qui a marqué la fin du gaullisme sur la scène politique. De Gaulle avait tant d'héritiers qu'il ne reste rien du Gaullisme ni de gaullien dans la politique française. Cela le faisait d'ailleurs sourire lorsqu'il entendait quelqu'un se réclamer du gaullisme. Lui aussi a des héritiers mais je ne sais pas s'il en pleurait ou en rirait en les écoutant.

Pensez à Séguin, pour ceux qui s'en souviennent, et regardez notre vie politique. Vous prendrez alors la mesure du vide actuel. Séguin et Pasqua, c'était encore la politique comme une épopée, c'était encore une culture et une histoire, l'histoire de France et une histoire personnelle. Cela reviendra peut-être mais il nous faut prendre conscience que, pour l'instant, il ne reste rien. En 1992, le discours pour la France de Séguin sur Maastricht, il faut le réécouter. Il semble avoir été prononcé hier. Tout était dit ! Comparez le avec les discours d'aujourd'hui, vous verrez que ces derniers ne pèsent pas lourd. On parle pour ne rien dire, rien n'en reste parce que c'est du vent. Densité humaine, densité intellectuelle ? Mais où sont-elles passées ?

Cela suffit peut-être à expliquer le discrédit de la politique actuelle.

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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