HIer soir, j’ai vu ce qui s’est passé pendant des années avec Mohamed Ali, dans ses conférences de presse, où un journaliste, qui l’a accompagné pendant toute sa carrière et le provoquait de façon très méchante et entraînait, en réponse, les fameuses punchlines du boxeur. Au fond, ils ont progressé ensemble, en binôme.
Hier soir, j’ai ressenti la même chose, un jeu de rôle extrêmement bien organisé, qui permettait d’avoir un spectacle au sens premier du terme, journalistique, politique, et nouveau. Ensuite, je me suis posé la question en voyant l’énuméré des réponses et des annonces du président.
Au fond, les réponses qui ont été fournies par le président, est-ce qu’elles résultaient de la pression, de la violence et de la charge des questions ? Notre-Dame-des-Landes, SNCF, réformes, retraites, Syrie, même s’il était questionné en murmurant, il aurait dit les mêmes choses. Il était venu pour cela.
Quelle est la réponse qui a émané de la pression mise par les journalistes ? Ce qui était intéressant dans cette soirée, c’est qu’elle a fait muter l’exercice de l’interview présidentielle. Et celui qui en sort gagnant, c’est Emmanuel Macron, parce qu’il a démontré qu’il était capable de pouvoir soutenir un questionnement difficile, parfois orienté, parfois de mauvaise foi, qu’il a pu répondre et qu’il a pu délivrer des messages, qu’il était prêt à donner quel que soit le ton de la question.
De ce point de vue, on était sur un vrai spectacle politique que les Français ont certainement dû apprécier. Qu’en restera-t-il pour le public ? C’est justement la perception qu’on est face à une transformation ample et difficile.
Il ne s’est pas dérobé, c’était la grammaire de cette interview, de dire ‘Je ne me laisse pas démonter, je vous réponds, je vous renvoie dans les cordes et je passe mon message’.
Ça rappelait, quelque part, la même mécanique que le débat électoral du second tour. À bien des égards, on se demandait parfois si on n’était pas dans un débat politique plutôt qu’une interview.
C’est en cela où la personnalité des deux intervieweurs a fait qu’on a fait bouger cet exercice.
Si on dit qu’il fallait avoir Mediapart ou être interviewé par Edwy Plenel pour raccrocher avec un électorat de gauche, c’est un contresens. Les réformes qu’il a annoncées hier sont encore plus libérales.
La réforme des retraites qui a été annoncée va être extrêmement douloureuse. La mise en place du cinquième risque, qui va devoir être financée, c’est très important. Le fait qu’il a annoncé que toutes les réformes allaient continuer et que les transformations allaient s’accentuer, il n’a pas bougé d’un iota.
Et puis, subrepticement, il a quand même dit, quelque part, qu’il était candidat pour un deuxième mandat. À un moment, il a dit ‘Les Français me jugeront dans cinq ans, ou dans dix ans’. Quelque part, il s’est installé comme candidat. Dans sa tête, il est très clair que, sauf accident, il se représentera devant les Français.
Brigitte ne l’a pas accompagné à l’école, alors qu’elle est elle-même professeur, mais elle l’a accompagné hier soir. C’est dire s’il y avait de l’enjeu, le sentiment d’un combat qu’il allait livrer, comme pendant la campagne. On verra comment les Français vont réagir. Mais je crois que les adversaires politiques d’Emmanuel Macron ont encore du souci à se faire pendant quelques temps.
Écoutez la chronique de Michaël Darmon dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard