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La croix de Jean-Paul II est-elle le paradoxe de la laïcité ?

La décision du Conseil d'État de retirer la croix de la statue de Jean-Paul II dans le village de Ploërmel a fait polémique. À invoquer la laïcité à tout bout de champ, on a fait entrer partout la question religieuse et, avec elle, celle de la liberté de conscience.

La plus haute juridiction administrative ne fait qu'appliquer la loi à la lettre. Le problème, c'est que la question de la laïcité est devenue très compliquée.

On a pris la mauvaise habitude d'invoquer la laïcité à tout bout de champ et le résultat paradoxal, c'est qu'on a fait entrer partout la question religieuse et la liberté de conscience, qui interdit de réglementer des comportements qui nous choquent pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la religion, mais plutôt avec la culture et la civilisation.

On a eu raison de ne pas placer l'interdiction de la burqa sous l'égide de la laïcité, mais on a eu tort d'interdire le foulard à l'école au nom de la laïcité, parce qu'il suffit alors d'envoyer des petites filles dans des écoles privées pour qu'elles soient obligées par leurs parents de porter un foulard, puisque c'est une question de religion, donc de liberté de conscience et que, dans ce cas, la loi n'a rien à dire.

La laïcité, qui est un principe de pacification, devient un motif de confrontation. Si c'est une question de laïcité, les libre-penseurs ont raison de saisir la justice et le Conseil d'État a raison de statuer comme il l'a fait. Sauf que, pour ceux qui protestent, c'est en réalité un problème d'identité culturelle. Comment admettre qu'on puisse démolir une croix dans un paysage breton semé depuis toujours de calvaires ? C'est la même histoire que les crèches ou les jours fériés qui renvoient à une fête chrétienne.

Ce sont des faits de culture et des faits de civilisation. En Provence, tous les élus, de droite ou de gauche, croyants ou non, chrétiens ou non, subventionnent les salons des santonniers qui exposent des crèches, parce que c'est une tradition profondément ancrée dans l'identité provençale.

Quant à imaginer qu'au nom de la laïcité, on puisse éliminer des jours fériés comme la Toussaint, Pâques, l'Ascension, voire Noël, ce serait déchaîner des passions incontrôlables, non pas à cause de la foi de chacun, mais parce que nous sommes ce que nous sommes du fait de nos héritages, d'une histoire où se mêlent la Grèce, Rome, le Judaïsme, le Christianisme, les Lumières. Cette Histoire, personne n'a le pouvoir de la réécrire.

La France, avec sa littérature, ses arts, ses personnages illustres, mais aussi ses Saints, ses croix, ses clochers, ses abbayes, et nous les avons en indivision, croyants ou non-croyants, catholiques ou libre-penseurs.

Au collège, nous devrions étudier Voltaire, Pascal ou les Croisades, parce que c'est ça l'histoire et la culture de la France.

La distinction entre le spirituel et le temporel, la laïcité, ont des racines profondes dans la construction d'une civilisation plusieurs fois millénaires. Ne les abîmons pas en les dénaturant. Il ne faudrait pas que, voulant rassembler par de mauvais moyens, on provoque des déchirures. Tout ce qui commence par la haine de soi finit toujours mal car au bout de la haine de soi, on trouve toujours la haine des autres.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Philippe Verdier

 

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