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La neutralité du Net sacrifiée au profit d’une religion exacerbée de la concurrence

Alors que les autorités américaines ont voté ces derniers jours la fin de la neutralité du Net, cette décision basée sur une volonté de plus grande liberté de concurrence a une importante portée symbolique.

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On en a beaucoup parlé parce que la neutralité du Net est un principe, mais c’est presque une idéologie. C’est une neutralité totale vis-à-vis de tous ceux qui veulent accéder au réseau. Tout le monde doit pouvoir le faire dans exactement les mêmes conditions. On ne peut pas différencier les prix ou les services qu’on offre aux uns et aux autres.

Sur le papier, c’est plutôt bien parce qu’on ne peut pas discriminer les contenus. Cela permet notamment aux petites entreprises, aux start-up dont on parle tant, d’avoir le même accès au réseau que les très grandes entreprises. Si demain il y a de la concurrence, on ne fera évidemment pas payer le même prix et on n’offrira pas le même service aux très gros et aux très petits. En réalité, la concurrence entre les fournisseurs d’accès à Internet risque d’abîmer la concurrence entre ceux qui sont installés et ceux qui veulent entrer sur le marché : innovateur, entrepreneurs, nouvelles structures, etc.

En vérité, c’est une victoire de plus pour les adeptes de la religion de la concurrence. Que disent donc les partisans de la non-neutralité du Net, qu’on trouve par exemple chez les grands opérateurs de téléphonie ? "Ne vous inquiétez pas, la concurrence entre les fournisseurs d’accès fera s’évanouir toutes les craintes". Mais c’est une vision de la concurrence qu’on ne devrait plus avoir depuis longtemps parce qu’on en a l’expérience. Pour intensifier la concurrence, on interdit les accords d’exclusivité entre le fournisseur et son client. On abîme alors la concurrence car il y a des investissements que le fournisseur ne fera plus s’il ne peut pas choisir par exemple son distributeur. Le brevet, par exemple, est une forme de monopole temporaire qu’on donne à l’innovateur pour qu’il puisse rentabiliser ses investissements en recherche et innovation. Si vous le supprimez pour rétablir une concurrence parfaite, vous supprimez l’incitation à innover !

Le monde n’est pas celui de la concurrence parfaite. Il est fait de nombreuses imperfections naturelles, qui ne viennent pas seulement des lois, des règlements, etc. Il y a aussi des monopoles naturels. Vous ne pourrez jamais traiter de la même façon les grands réseaux de téléphone, d’électricité et de chemins de fer que les autres marchés traditionnels de biens et services qui n’ont pas ces caractéristiques. Il y a des biens publics, des biens communs qui ne peuvent pas être livrés à la concurrence.

La concurrence ne peut pas résoudre tous les problèmes. Or, quand on est en face d’Internet, on est en face de quelque chose qui touche un peu au bien commun et public. La neutralité du Net, c’était considérer que le réseau Internet était à la disposition de tout le monde dans des conditions d’égal accès. On est en train de rompre avec ce modèle au nom d’une vision religieuse de la concurrence qui a déjà provoqué bien des dégâts.

Réécoutez en podcast l'édito d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

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