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La régulation des Gafa, une tâche aussi difficile que nécessaire

Dans une économie numérique de plus en plus globalisée, la prépondérance et le pouvoir d’une poignée de très grandes entreprises liées à Internet posent de nombreuses questions.

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Le débat sur les entreprises multinationales (propriétés d’actionnaires de différentes nationalités)  ou transnationales (qui opèrent dans plusieurs pays) est aussi vieux que le capitalisme. Il y a eu les banquiers lombards, la puissance financière des Templiers, celle des Rothschild, des Rockefeller, de la Standard Oil, de Shell, de la banque Morgan, des gnomes de Zurich, des trusts, etc. Aujourd’hui, la globalisation financière a réactivé la hantise du complot de la finance internationale. Les progrès de la génétique ont hissé Monsanto sur le podium, et encore plus haut depuis son rachat par Bayer. Mais avec les fameux Gafa (Google, Appel, Facebook et Amazon), la révolution numérique impose des acteurs d’une autre nature pour lesquels ce que les économistes appellent les rendements croissants jouent à plein.

Qu’est-ce que sont les rendements croissants ? Ce sont des systèmes de production dont les coûts diminuent avec la taille. Plus ils sont grands, plus ils produisent à moindre coût. Donc en principe, ceux qui sont rentrés après eux dans la même activité ne peuvent pas les rattraper et la concurrence ne peut pas jouer. Les rendements croissants poussent spontanément l’économie vers les monopoles, et c’est particulièrement vrai des entreprises de réseaux. Il y a un effet monopole naturel du réseau (réseau électrique, réseau ferré, etc.). Avec les réseaux virtuels à l’échelle planétaire, on atteint le summum de cette logique. Plus un réseau social compte de participants, plus il est attrayant. Plus il y a d’adhérents à Airbnb, plus ils recrutent. Plus un moteur de recherche indexe d’informations, plus il est utilisé.

Certains annoncent l’avènement d’une économie à coût zéro, mais c’est très discutable, car si on peut partager à l’infini une information sans que cela ne coûte plus cher, il faut la plupart du temps livrer des objets réels au consommateur au bout du compte. Il faut donc les fabriquer et les transporter, et cela a un coût. Une économie du coût marginal zéro (coût de la dernière unité produite) détruirait le capitalisme. On n’en est pas là, et c’est plutôt le contraire qui pourrait se produire avec de grands monopoles inexpugnables qui utilisent leurs énormes revenus de monopole. En 2016, les Gafa représentaient 469,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, contre 272,5 en 2012... La progression est énorme ! Ils profitent de ces revenus pour prendre le contrôle de l’économie comme d’une partie de la vie des gens grâce aux données qu’ils accumulent et à leur pouvoir de censure, comme on vient de le voir avec l’incident du compte Twitter de Donald Trump.

Il est difficile pour les États de les réglementer, et pour plusieurs raisons. Il y a d’abord le principe de la neutralité du réseau, un beau principe mais qui ferait de lui une zone de non-droit si on va au bout de sa logique. Internet est enveloppé d’une mystique libertaire, bien que ce fut une invention en partie due à l’armée américaine. Cette mystique récuse toute intervention des États, mais comme toujours, l’absence totale de règles devient vite intenable. On le voit avec l’utilisation des réseaux par les organisations terroristes. Le risque, c’est aussi que les réseaux ne soient régulés que par l’idéologie de ceux qui les contrôlent. Ajoutons à cela la facilité avec laquelle ils échappent à l’impôt à cause de la nature virtuelle de leur activité et de l’incapacité des États à s’entendre malgré les recommandations de l’OCDE.

Que faire ? Taxer les profits proportionnellement aux chiffres d’affaires réalisés dans chaque pays. Imposer des règles. Mais on se retrouve dans une situation qui est un peu la même que pour les marchés financiers. Seulement, autant les marchés financiers sont un problème de régulation mondiale, autant pour les Gafa ces règles peuvent être imposées à l’échelle européenne. En attendant qu’on mette, un jour peut-être, Internet sous la tutelle d’une autorité mondiale. Si l’Europe ne sert pas à ça, à quoi donc sert-elle ? Il y a des progrès depuis quelques mois, c’est vrai, mais ils sont trop lents. Pourtant, l’Europe peut montrer ici qu’elle existe et rendre service au reste du monde.

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