single.php

Le gouvernement aurait tort de sous-estimer la grogne sociale, rappelez-vous 1995

Si le projet gouvernemental de réforme du Code du travail n’a pas encore rencontré de très forte opposition dans la rue, ce mouvement social pourrait bien se transformer en feuilleton et prendre une toute autre ampleur.

Les syndicats sont encore en ordre dispersé face aux ordonnances

Les observateurs sous-estiment ce qui est en train de se passer. Hier, les routiers de la CFDT et de la CFTC se sont mobilisés, syndicats qui n’étaient pas jusqu’à présent dans ce mouvement social mais qui se dissocient de leur confédération. On a pu constater qu’il y avait peu de gêne. C’était limité, mais c’était volontaire, il n’y avait pas de grand plan de blocage de la part des routiers. Mais je crois que le gouvernement se trompe dans sa stratégie. Cette stratégie ressemble à celle d’Alain Juppé en 1995. En voulant être sur tous les fronts à la fois et en allant le plus vite possible, il pense qu’il pourra faire passer toutes ses réformes. C’est une illusion qui bute sur le fait que cette histoire se transforme en feuilleton. On voit bien ce qui est en train de se dessiner. C’est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement car dans un feuilleton, on attend avec impatience l’épisode suivant.

Regardons le calendrier des prochaines semaines : le 25 septembre, ce sera le tour des routiers de FO, jeudi prochain sera une nouvelle journée d’action de la CGT à laquelle se joindra – et ce n’est pas négligeable – l’UNSA-ferroviaire, samedi sera le tour de la France Insoumise, le 28 les retraités, le 10 octobre les fonctionnaires… Ça ne va pas s’arrêter, catégorie par catégorie, syndicat par syndicat, parti par parti. Cet échelonnement peut ressembler à de la dispersion qui affaiblit le mouvement, mais en réalité cela peut tout aussi bien se transformer en série télévisée. Je me souviens de 1995 quand Alain Juppé avait dit qu’il ne bougerait pas tant qu’il n’y aurait pas deux millions de personnes dans les rues. On avait inventé à l’époque le "Juppéthon" : tous les jours on regardait le nombre de manifestants, et un beau jour la barre des deux millions a été franchie et sa position est devenue intenable. Il avait lui-même créé un scénario où on attendait toujours la suite.

Le piège est d’autant plus important que nous aurons un autre événement la semaine prochaine avec la présentation du budget. Ce sera qu’on le veuille ou non, même si la conjoncture est un peu meilleure, un budget d’austérité, car le gouvernement veut respecter à tout prix les objectifs de Bruxelles et baisser la dépense publique. On a donné un peu aux uns (Éducation nationale, enseignement supérieur…), et il va donc falloir prendre aux autres. Il y aura à nouveau des mécontents.

Surtout, le gouvernement se retrouve dans un piège terrible. En faisant cette politique budgétaire, il ne fait plus de réformes que pour avoir d’abord des économies à court terme. Or, en général, les réformes réussies coûtent plus au début et rapportent ensuite. Quand on ne veut pas investir dans la réforme, on ne met pas d’huile dans les rouages. Il n’est pas sûr qu’il arrive à sortir de ce piège, et il se pourrait bien qu’à la fin il n’ait ni les réformes ni les économies. Les signes ne sont pas très rassurants, même si les syndicats ne sont pas très optimistes aujourd’hui sur la capacité à mobiliser dans une société où les gens font moins facilement grève quand la vie est dure.

Réécoutez ici l’édito politique d’Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

L'info en continu
21H
19H
18H
17H
16H
15H
14H
13H
12H
11H
10H
Revenir
au direct

À Suivre
/