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Le gouvernement lance un grand plan de simplification administrative : encore un !

Gérald Darmanin a présenté hier en conseil des ministres son projet de loi de simplification administrative, instaurant entre autres un droit à l’erreur des contribuables en matière fiscale. Ce genre de plan est tout sauf nouveau.

Gérald Darmanin (©Ludovic Marin - AFP)

En 1983, le gouvernement de l’époque avait déjà créé une commission pour la simplification, remplacée par une autre en 1998, elle-même remplacée à son tour par une autre structure en 2003. Puis une autre en 2005. En 2011, le gouvernement avait lancé un plan de simplification. En 2012, le nouveau gouvernement en avait lancé un autre. En 2014, il a créé un ministère chargé de mettre en œuvre le "choc de simplification". Le vice-président du Conseil d’État lui-même parle de serpent de mer et de mythe de Sisyphe. Il a bien raison, car malgré toutes les bonnes intentions et tous les plans, l’inflation législative, réglementaire et bureaucratique continue de plus belle. On peut même finir par se demander si chaque plan de simplification ne débouche pas inexorablement sur plus de complexité.

Le nouveau texte porté par Gérald Darmanin prévoit le droit à l’erreur. Désormais, s’il est de bonne foi, l’administré pourra rectifier une erreur et ce sera à l’administration de faire la preuve qu’il est de mauvaise foi. Déjà, beaucoup d’exceptions sont prévues. Là encore, l’idée est plutôt bonne, au moins pour ce qui concerne la qualité de la relation entre administrés et administration. Pour ce qui est de la simplification en revanche, pas sûr que les choses s’améliorent beaucoup.

De 2003 à 2013, le code du Travail a augmenté de 1019 pages, malgré toutes les commissions et tous les plans. Le code de l’urbanisme augmente de 1438 pages. Le code de la Sécurité sociale (hors recensement des accords internationaux) de 687 pages. Passons sur le code de l’environnement, celui de la santé, celui des marchés publics... Thierry Mandon, ministre de la Simplification de François Hollande, avait fait adopter un principe révolutionnaire selon lequel le silence de l’administration, qui jusque-là valait refus, valait désormais acceptation. Hélas, cette grande révolution de notre droit public s’est retrouvée assortie d’une liste de dérogations qui n’a cessé ensuite de s’allonger au fil de plusieurs lois et de dizaines de décrets créant des milliers d’exceptions ! Bref, c’est plus compliqué après qu’avant.

En juillet dernier, une circulaire du Premier ministre a posé le principe de la suppression de deux normes existantes à chaque fois qu’une nouvelle norme serait créée. Ça fait des années que tout le monde veut appliquer cette recette, sauf qu’en pratique elle est inapplicable, et la circulaire prévoit déjà qu’elle ne s’appliquera pas quand les nouvelles normes découlent de l’application d’une nouvelle loi. Donc cette fois-ci encore, on peut se dire que l’avenir n’est pas forcément rose en termes de simplification. Celle-ci s’attaque toujours aux conséquences et jamais aux causes. Les causes sont dans le clientélisme catégoriel qui multiplie les dérogations, dans la rareté de la ressource budgétaire qui impose "d’élaborer des dispositifs assortis de conditions multiples et strictes pour réduire le coût des mesures" selon le vice-président du Conseil d’État. Autrement dit en bon français : l’austérité nourrit la complexité. Il y a bien sûr aussi le principe de précaution, la fuite devant la responsabilité politique que l’on noie dans les procédures et les guichets, mais surtout (et c’est le paradoxe du libéralisme), quand on veut mettre toute la société et toute l’économie en pilotage automatique et qu’on veut tout dépolitiser, il faut tout prévoir à l’avance et tout codifier. C’est la plus grande source de production de normes.

Si l’on ne soigne pas ces causes, l’inflation normative continuera à tout submerger et à tout étouffer, malgré tous les plans.

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