Le malaise de civilisation se lit dans l'accumulation des rapports alarmistes qui touchent à peu près tous les secteurs de notre vie collective. Rapport sur la laïcité, la radicalisation, l'accueil des migrants mais aussi sur les difficultés des agriculteurs, la SNCF, le service public... Bref, aujourd'hui, il n'y a pas un secteur de notre vie publique et sociale qui ne soit concerné par des diagnostics de crise. En réalité, tout ça ne forme qu'une seule et même crise qui est une crise de civilisation. J'emprunterai volontiers le titre d'un ouvrage de Sigmund Freud dans les années 30 : "Malaise dans la civilisation". Et ça n'est pas par hasard que je fais référence à cette période.
Ce qui est frappant dans celle que nous vivons, c'est que chacun vit sa crise. On en parlait d'ailleurs hier, à propos des manifestations des agriculteurs contre l'accord avec le Mercosur. Chacun vit sa crise dans le secteur qui lui est propre mais personne ne voit à quel point la plupart de ces sujets sont de sujets qui touchent tout le monde. À la veille du Salon de l'Agriculture, regardons les choses en face : le problème de l'agriculture en France n'est pas uniquement le problème des agriculteurs. C'est un problème qui touche profondément à l'identité de la France parce que l'histoire de la France s'est faite en grande partie comme celle d'une nation agricole. Ce n'est pas le cas de tous les pays, la Hollande par exemple est traditionnellement une nation de commerçants... La France a longtemps été une puissance agricole et quand on touche à l'agriculture, on touche à son identité profonde. On touche aussi à bien d'autres sujets comme celui de la gastronomie qui est un trait de civilisation. On touche aussi à la sécurité alimentaire qui est devenu un vrai sujet obsédant pour tous les Français et même tous les citoyens d'Europe. Lorsque l'on touche à l'école, on ne touche pas qu'aux seuls problèmes de la vie quotidienne des enseignants, on touche aux problèmes des générations futures, de l'avenir de la nation etc...
Ce qui est frappant, par exemple avec le rapport sur la la laïcité qui vient de sortir, c'est que l'on isole sans arrêt le problème de tous les autres. Or, le problème de la laïcité, on ne peut pas l'isoler de la question de la place de la religion dans la société, mais on ne peut pas l'isoler non plus d'une question qui est profondément culturelle, avant même d'être religieuse. Le problème de la laïcité en peut pas être posé simplement en affirmant ce principe qui fait bien sûr partie de notre héritage culturel et civilisationnel, mais qui est loin d'englober toute la question du séparatisme culturel. Encore un problème de civilisation.
En fait, tout ça est vécu de façon très éparpillé et de façon très éclaté mais finira, un jour, par se rassembler en un seul et grand problème qui est celui de la civilisation, la crise de civilisation que vit tout l'Occident. Une crise qui est vécue de façon encore plus aiguë en France parce qu'au fond la France est une nation mais aussi une forme de civilisation. Et c'est cette forme de civilisation qui est aujourd'hui profondément en crise et elle continuera de l'être tant que la politique ne prendra pas à bras le corps ce problème.
Si la politique ne traite pas directement ce problème, au lieu de traiter tous les problèmes les uns à part des autres, nous n'avancerons pas, nous ne rassurerons personne et nous finirons avec des polémiques comme celle qui secoue aujourd'hui la bonne ville d'Orléans, pour avoir choisi une jeune fille métisse pour représenter Jeanne D'arc. Une polémique qui prouve à quel point nous sommes malades de notre civilisation !
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