Une visite qui intervient à un moment crucial, celle de la grande offensive de l’Arabie Saoudite face à la concurrence Qatar, qui a le vent en poupe, notamment avec l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2022.
MBS, comme on l’appelle, veut se présenter comme étant le réformateur de l’Islam rigoriste wahhabite, qui est la religion de l’État dans son pays, mais il doit encore s’imposer dans le monde arabe, où cette famille royale des Saoud n’est pas encore la bienvenue.
L’Arabie Saoudite est l’adversaire résolue de l’Iran et demande à ses partenaires de choisir entre l’Iran et lui. Pour ça, il n’hésite pas à miser sur la séduction, les investissements de l’après-pétrole et ça passe par l’ouverture de la société. Il demande donc à la France de choisir son camp.
La France, qui est aussi partenaire avec le Qatar, c’est le problème de cette visite. En coulisses, on dit que c’est quand même assez baroque. Le prince décide au dernier moment, c’est normal, c’est un prince, de se rendre ou non au programme établi.
Hier, il a tout simplement séché une rencontre avec des jeunes et un forum d’affaires. C’est la raison pour laquelle la sortie culturelle prévue à Marseille a été annulée.
Les diplomates s’arrachent les cheveux depuis deux jours, à la mesure de la difficulté de tisser des relations de confiance tant les enjeux sont contradictoires.
Au final, ça semble être une première prise de contact et tout porte à croire que MBS ne veut pas encore engager de contrats avec la France.
Macron a d’ailleurs indiqué qu’il se rendrait en Arabie Saoudite pour pouvoir continuer la visite. C’est un problème diplomatique pour la France, parce que Paris veut continuer à installer son ‘en même temps diplomatique’, parler avec tout le monde. Sauf que ça ne plaît plus d’un côté ou de l’autre. Les Saoudiens demandent que l’on choisisse son camp. Les Iraniens le demandent également. La rencontre avec JYLD à Téhéran pour préparer une éventuelle visite présidentielle s’est mal passée, les Iraniens voient d’un mauvais œil la relation de la France avec les Émirats.
Ces jours-ci, c’est toute l’architecture de la politique arabe de la France qui se joue. La France sera-t-elle aux côtés des USA pour frapper la Syrie ? L’axe Ryyad-Washington-Tel-Aviv passera-t-il par Paris ?
Tout cela ne va pas sans implications intérieures au moment où la lutte contre l’Islam radical est au sommet des priorités à Paris et que le président Macron veut couper avec les influences extérieures de l’Islam pour créer un Islam de France. En prenant le risque d’être en étau dans la guerre des Sunnites des monarchies du Golfe et des chiites de l’ancienne Perse iranienne, Macron risque de se compliquer la tâche sur un sujet crucial pour la cohésion interne de la société française.
Écoutez la chronique de Michaël Darmon dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard