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L'état des démocraties dans le monde

2017 aura été une année noire pour la démocratie. Retour sur les racines d’un déclin profond et prévisible.

La démocratie en recul dans le monde entier (©Jeff Pachoud - AFP)

La chute du Mur de Berlin en novembre 1989 annonçait pour beaucoup l’avènement de la démocratie planétaire après que, sur les ruines de la Première Guerre mondiale, s’étaient construits le fascisme, le bolchévisme et le nazisme, dont on a oublié qu’ils avaient gangrené et failli emporter non seulement les démocraties vaincues mais aussi parfois celles des vainqueurs. Alors que, sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale et de la décolonisation, se sont installés sur plus de la moitié du monde les staliniens, les maoïstes, les dictatures progressistes, le camp des démocrates soutenait des dictatures de droite et des dictatures tout court en Amérique latine et en Asie au nom de l’endiguement du communisme.

Souvenez-vous de la chute du Mur. Triomphe du marché et de la démocratie liés l’un à l’autre. Fin de l’histoire. À propos de 1848, on a parlé de "l'illusion lyrique". On pourrait parler dans les années 1990 de "l’illusion démocratique". Elle envahit toute la démocratie, avec en tête de gondole les Droits de l’homme, la concurrence et le libre-échange. La démocratie envahit les discours, les lois, les pensées, la politique intérieure et extérieure. Elle conduit à mener en son nom de nouvelles Croisades. On va brandir non plus la croix, mais le devoir d’ingérence ou de protection. Mais ce n’est pas la démocratie réelle qui grandit, c’est l’illusion ! Deux poids, deux mesures, d’abord : on intervient en Libye ou en Irak, mais Tian’anmen laisse la communauté internationale de marbre. Devoir de réalisme contre devoir d’ingérence.

L’illusion grandit avec le dévoiement du mot. On passe du dernier mot donné au peuple souverain (gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple) au dernier mot donné aux juges, aux autorités indépendantes, à un droit universel hors du temps et hors-sol sur lequel aucun peuple n’a son mot à dire. On ne dit plus le droit par la démocratie, mais la démocratie par le droit. Tête-à-queue renversant. De la liberté politique, on passe à la liberté économique sans frein. À l’Est et au Sud, les politiques d’ajustement des organisations internationales font des ravages. En ouvrant trop brutalement les économies administrées depuis si longtemps, en tentant d’effacer les différences et les frontières nationales, en regardant les cultures comme des entraves à la libre circulation des biens, des hommes, des idées et des capitaux, on ébranle les jeunes démocraties, minées par l’insécurité sociale et culturelle.

Les républiques de l’ancienne URSS renouent avec l’autoritarisme. L’Europe de l’Est vacille et veut ses frontières, son identité, de l’ordre et de l’autorité. Elle veut aussi en finir avec les souffrances des thérapies de choc post-communistes. Plus de Vaclav Havel. Si l’on n’y prend garde, elle est prête pour l’aventure. Après l’échec des nationalismes arabes et africains, auquel l’Occident en croisade a contribué, l’aventure est déjà là en Moyen-Orient et en Afrique. Retour à la tentation totalitaire à travers le fondamentalisme nourri par la misère et l’humiliation. 

En Occident, dans le camp des vieilles démocraties rescapées de l’histoire dramatique qu’elles ont contribué à écrire, le terrorisme, l’afflux des migrants et la crise identitaire viennent mettre un frein à l’extension indéfinie des libertés. État d’urgence, état d’exception, Trump... Poutine en Russie, Xi Jinping en Chine, Erdogan en Turquie, al-Sissi en Égypte. Et la Cour Pénale Internationale n’arrive pas à faire arrêter el-Béchir, président génocidaire du Soudan.

L’indice de démocratie calculé chaque année par The Economist fait passer le nombre de pays pleinement démocratique de 28 en 2006 à 19 en 2016, et met en avant la montée des régimes semi-autoritaires. L’ONG Freedom House compte dans son rapport 2017, sur 195 pays recensés, 45% seulement de démocraties au sens plein du terme et relève onze ans de déclin démocratique dans la dégradation des indices qu’elle calcule pour chaque pays. Human Rights Watch ne dresse pas un tableau plus optimiste pour les Droits de l’homme et les libertés.

N’est-il pas temps alors de s’interroger sur le sens et sur les moyens de ce que nous appelons la démocratie, qui doit d’abord être un régime politique et non un projet de société, et qui ne doit pas devenir un slogan à opposer à tout bout de champ aux États, aux nations, aux peuples et aux différentes cultures ?

Réécoutez en podcast l'édito d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

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