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L'identité comme ligne politique, un remède miracle, le mal absolu ou ni l'un ni l'autre ?

Henri Guaino se penche aujourd'hui sur la question de l'identité. A-t-elle sa place dans les débats et les projets politiques ?

L'identité comme ligne politique, est-ce un remède miracle, le mal absolu ou ni l'un ni l'autre ? C'est une bonne question, la démocratie évite bien des violences dans les actes mais dans les mots, c'est autre chose ! Peut-être parce qu'il faut bien que les passions humaines trouvent, d'une manière ou d'une autre, un exutoire, qu'elles se fraient un chemin entre toutes les digues que les sociétés démocratiques construisent pour les canaliser. De fait, il est bien difficile de rencontrer dans l'histoire une démocratie apaisée, du moins durablement. Il y a, dans toutes démocraties, un penchant, non à l'apaisement, mais à l'hystérie. L'invective pour disqualifier l'adversaire fait partie de la démocratie.

En 1992, dans certains journaux très sérieux, on traitait les anti-maastrichtiens d'épigones d'Hitler... Et, comment ne pas avoir été frappé, par exemple, par l'hystérie qui s'était emparée, sous Nicolas Sarkozy, du débat sur l'identité nationale. D'ailleurs, était-ce une bonne idée, ce débat ? Avec le recul, ce qui n'était sans doute pas une bonne idée, c'était que le gouvernement lui-même l'organisa parce qu'un gouvernement est fait pour gouverner. Il est fait pour organiser des états généraux et des consultations nationales en vue d'une loi ou d'une réforme, mais il n'est pas fait pour organiser des débats. Il n'y a rien de plus contre-nature. Ça revient, pour un sujet comme l'identité nationale, à se lancer dans une sorte de psychanalyse collective mais ensuite, on a fatalement à gérer le retour du refoulé. Mais, la question de savoir ce que signifie être français aujourd'hui mérite quand même d'être posée. Elle est même cruciale parce que la nation est la grande question politique de ce début de XXIème siècle avec la question de la civilisation, à laquelle elle est étroitement liée.

Est-ce donc légitime pour un parti de défendre l'identité ? Oui, un parti ne se met pas en dehors de la République parce qu'il met l'identité nationale au cœur de son combat. Une nation, comme une personne, ne peut pas garder l'équilibre quand elle souffre d'un trouble identitaire. Ce n'est pas du tout faire le choix de la droitisation. Il y a une droite qui n'est pas nationale, celle de l'argent, et il y a une gauche qui l'est. Il y a surtout deux limites au combat identitaire : la première, c'est que l'identité est très compliquée et ça peut vite conduire à des dérapages dangereux. Il faut dire que l'identité, si c'est quelque chose d'immuable, de fermé et qui rejette tout apport extérieur, cela devient le compagnon de route du nationalisme et non celui du sentiment national, celui de la détestation de l'autre et non plus celui de l'amour des siens. Surtout, il faut prendre garde à ne jamais y mêler la biologie parce que sinon, elle devient vite la complice du racisme. La deuxième limite, c'est qu'il ne faut pas qu'elle devienne le paravent, le masque de tous les renoncements nationaux. Défendre son identité nationale, ce n'est pas seulement couvrir le débat sur le roman national, le voile ou le communautarisme, ce n'est pas seulement poser le problème des frontières face à l'immigration ou aux réfugiés. Si l'on se contente de faire du bruit et de la surenchère sur l'identité sans en tirer les conséquences sur les politiques commerciales, industrielles, financière ou l'Europe, le remède risque alors d'être pire que le mal.

Si la politique de l'identité n'est plus qu'un moyen de fuir les grandes questions de la mondialisation, du fédéralisme, et de l'ultralibéralisme, au lieu de la mettre en perspective par une politique de civilisation qui embrasse toutes les dimensions essentielles de la vie d'une société, alors elle ne sera plus que l'image inversée de l'hystérie de ses adversaires.

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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