De fait, Emmanuel Macron n'est plus dans la même position que l'an dernier. Quand il a été élu, il était celui qui mettait un terme à plusieurs insurrections par le vote, plusieurs scrutins qui racontaient le ras-le-bol des peuples face à la confiscation de la démocratie. Mais il a eu le tort de s'imaginer que les défenseurs de la technocratie néo-libérale bruxelloise avaient retenu la leçon et avaient pris conscience qu'il fallait écouter la colère. Il a donc proposé son projet de refondation de l'Europe, qui est, en soi, fort sympathique pour quiconque oublie la nature des rapports de force dans l'Union. Il y eut le beau discours de la Sorbonne, il y a maintenant celui de Strasbourg. Le fond est le même. Il se résume d'abord à un slogan : souveraineté européenne. On se demande bien laquelle puisque, pour qu'il y ait souveraineté, il faut qu’il y ait une communauté politique avec la conscience d'un destin commun. Or, lui-même pointe dans son discours les limites de son propre raisonnement puisqu'il montre du doigt les méchantes démocraties illibérales de l'Est : mais si nous avons un destin commun, il faut commencer par respecter la volonté des peuples voisins. Cela dit, les démocraties illibérales, c’est un leurre, le blocage vient d’ailleurs.
Ceux qui ne jouent pas la cohésion et opposent un veto aux grands projets d'Emmanuel Macron, ce sont tous les satellites de l'Allemagne. Huit pays, emmenés par les Pays Bas, ont opposé il y a quelques semaines par un texte commun une fin de non recevoir à son idée d'intégration budgétaire. Et ça arrange l'Allemagne qui n'a aucune intention de payer pour qui que ce soit, même si Emmanuel Macron a voulu donner des gages en déclarant hier que la France était prête à contribuer davantage au budget commun. Chacun jour pour soi, sauf bien sûr la France, la seule à s'imaginer que les rapports de force et les intérêts nationaux ont disparu.
Pour l’instant, Emmanuel Macron n’a rien obtenu qui puisse être le début du commencement de sa fameuse Europe qui protège, ni du côté d’une défense indépendante de l'Otan, ni du côté de la fin du dumping social et fiscal. Les Pays-Bas restent un paradis fiscal, même s'il refuse de le dire dans une interview présidentielle. Et la commission européenne s'est payée le luxe de confirmer qu'elle se fichait de son avis en annonçant l'ouverture de négociations pour l'entrée de l'Albanie et de la Macédoine dans l'Union.
>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast