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Quand l’Occident fabrique lui-même ses propres malheurs

Si plusieurs sociétés occidentales sont aujourd’hui minées par la crise et le terrorisme, elles en portent elles-mêmes une part de responsabilité. Édito d’Henri Guaino.

Donald Trump et Emmanuel Macron (©PETER DEJONG - POOL - AFP)

Toutes les peurs qui hantent aujourd’hui l’Occident et lui donnent le terrible sentiment d’être vulnérable au geste du premier criminel déséquilibré venu qui a juré sa perte ont des racines communes qui nous renvoient à bien des fautes, des faiblesses, des inconséquences de l’Occident lui-même. Jamais sans doute une civilisation humaine n’a-t-elle atteint un tel degré de puissance matérielle, économique, technologique, militaire, et jamais n’a-t-elle été à ce point à l’origine des insécurités qui la minent.

Depuis la nuit des temps, le plus prospère, le plus puissant, devient vite un objet de convoitise pour ceux qui le sont moins. Ce fut le sort de la Perse, de Rome, de Byzance, c’est comme ça que Cortès a trouvé beaucoup d’alliés locaux pour abattre l’empire des Aztèques, et puis c’est humain. Pour ceux qui sont dans la détresse, dans la misère, dans le malheur, le bonheur, la félicité et le contentement des autres est un objet de scandale. Un grand historien britannique ne disait-il pas que les grandes civilisations meurent sous une double pression intérieure et extérieure ? Sauf que cela ne ressort pas seulement du mécanisme du bouc-émissaire, mais aussi d’un dédain pour les perdants et les misérables qui finit toujours mal.

Mais faire de la convoitise et du désir de revanche les causes principales des menaces qui s’accumulent aujourd’hui sur l’Occident, c’est ne voir qu’une toute petite partie de la vérité. Celle, au fond, sur laquelle on peut se dire que l’on n’a aucune prise. L’Occident n’est pas seulement en train d’expier la colonisation, la traite des esclaves et son niveau de vie. Il paye le fait d’avoir été trop souvent inconséquent (et de l’être encore). Au cœur de toutes les grandes menaces actuelles, il y a trois trafics à l’échelle mondiale, reliés les uns aux autres : la drogue, les armes et l’argent.

Les trafics d’armes ont été nourris par les puissances occidentales en fonction de leurs intérêts à court terme, par exemple en armant les talibans quand ils luttaient contre les Soviétiques en Afghanistan, en armant de soi-disant milices modérées en Syrie ou en armant l’Irak de Saddam Hussein, tout cela avant que l’Histoire ne se retourne. Les exemples pullulent. On se souvient du scandale de l’IranGate qui faillit emporter Ronald Reagan, lorsque l’argent de la drogue servait à acheter des armes pour les Iraniens en échange de prisonniers américains, en contournant l’interdiction du Congrès. Un scandale dévoilé, pour tant d’autres qui ne le sont pas. On se souvient aussi de la dangereuse ambiguïté de l’Occident face aux Printemps arabes, en particulier en Égypte. Et je ne reviens pas sur la Syrie ou sur l’abandon de la Libye à son propre sort à partir de l’été 2012.

Derrière toutes ces relations contre-natures et ces petits calculs inconséquents, dans le grand bain de la mondialisation débridée dont les promoteurs ont été tout aussi inconséquents, il y a la circulation de l’argent sale, de l’argent honteux, qui mêle dans ses eaux troubles narco-trafics, mafias, terrorismes, fraudes fiscales, rackets, corruptions, spéculations, etc., qui nourrissent les désordres du monde. Qui sait ce qu’il y a dans les replis des 100 000 milliards de la finance de l’ombre, quand les estimations de blanchiment par les narco-trafiquants tournent autour de 2 000 ou 3 000 milliards de dollars ?

En ne voyant les frontières que sous l’angle économique et en négligeant les perdants, l’Occident a perdu non seulement une bonne partie de la maîtrise de son destin, mais aussi son âme et sa force spirituelle, perte qui le rend si vulnérable au-dedans et au-dehors, dans les guerres de religion et de civilisation qui lui a déclarées une partie de l’humanité.

La volonté de contrôler les mouvements de capitaux n’existe pas, sinon le G20 aurait réglé depuis longtemps leur compte aux paradis fiscaux. Quant aux trafics internationaux, ça me fait penser à ce qu’il se passe dans de nombreux pays, dont le nôtre. On hésite à démanteler tous les réseaux de peur de perturber trop violemment les circuits de l’économie parallèle. On sait où sont les trafics, mais on ferme les yeux pour ne pas déchaîner davantage de violence.

À l’échelle mondiale, on sait aussi d’où viennent les drogues. La cocaïne vient de Colombie, du Pérou, de Bolivie. L’héroïne et l’opium viennent d’Afghanistan, de Birmanie, de Turquie, du Mexique ou d’Inde. Mais il existe sans doute des considérations plus décisives.

Il faut dire que lorsque la spéculation ruine le paysan, il ne lui reste bien souvent qu’à cultiver de la coca ou du pavot pour survivre. Comment se plaindre ensuite de ce qui nous arrive ?

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