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Salon de l’Agriculture : la politique n’est-elle finalement que du théâtre ?

Entre convictions personnelles et image du personnage public, le politique est aujourd’hui inéluctablement enfermé dans une double personnalité problématique car occultant les vrais enjeux de société.

Emmanuel Macron au Salon de l'Agriculture en 2017 (THOMAS SAMSON - AFP)

Emmanuel Macron annonce qu’il va jouer dans Pierre et le loup. En regardant le Salon de l’Agriculture et les informations depuis plusieurs semaines, on en vient à se demander quels sont les rapports entre la politique et le théâtre. La politique n’est-elle finalement que du théâtre ? D'habitude, on parle beaucoup d’éléments de langage et de langue de bois. Mais au-delà de ça, ce qui ressort de la politique, c’est souvent le double langage, et derrière ça, le dédoublement de la personnalité.

Il est facile de dire que les hommes politiques ne croient en rien à ce qu’ils disent et à ce qu’ils font, et qu’ils se contentent de jouer un personnage. Ce n’est pas tout à fait vrai. En réalité, les hommes politiques sont souvent pris par le syndrome du dédoublement de la personnalité. Je vous  rappellerai un cas célèbre : Lionel Jospin disant dans un avion que Jacques Chirac était vieux et has been. Quand on l’a interrogé dessus, sentant lui-même qu’il avait fait une bourde, il avait dit qu’il ne se reconnaissait pas dans ce qu’il avait dit. Preuve que Lionel Jospin n’était pas allé jusqu’au bout de l’absorption de sa personnalité privée par sa personnalité publique.

En réalité, le théâtre et la politique sont deux choses différentes. Au théâtre, on joue le rôle d’un autre. En politique, on ne joue que son propre rôle. Simplement, comme on est en représentation permanente, il est fréquent que l’on joue un personnage qui est une partie de soi-même. Emmanuel Macron en est un exemple typique : une partie de lui-même va au contact et affronte l’adversité. Nicolas Sarkozy avait aussi sa façon d’être, Valéry Giscard d’Estaing avait une dimension aristocratique qui avait fini par phagocyter tout son personnage… Il est assez passionnant de voir à quel point cette partie de soi-même finit par absorber la personnalité, mais ça ne dit quelque chose que sur le personnage qu’il joue ! Jouer un personnage de Shakespeare au théâtre ne dit rien sur la personnalité de celui qui le joue…

Un écrivain des années 1930, Antonin Artaud, avait écrit un livre extrêmement intéressant sur le théâtre et son double, en prônant un théâtre où l’action absorbait toute la vie des personnages et faisait même disparaître l’auteur. On en est là : au fond, le politique avec sa vraie personnalité et ses convictions finit par être totalement aspiré par cette partie de lui-même, son personnage public.

Ce qu’on a vu au Salon de l’Agriculture, et qu’on avait déjà vu d’ailleurs, c’est ce président de la République, parfaitement sincère dans la façon dont il joue la partie de son personnage qui envahit tout, qui va au contact. Et après ? Tellement absorbée par ce jeu d’acteur politique, la politique elle-même disparaît… Comme à chaque fois, on va parler aux agriculteurs qui sont impressionnés par le fait qu’on accepte de venir au contact, mais on sait d’avance que dans quelques jours, quelques semaines, la déception sera à nouveau au rendez-vous car on a parlé de tout, sauf réellement de politique ! La politique, elle est dans les accords de libre-échange, dans les rapports avec les industriels, dans la politique européenne de concurrence… Et tout ça reste de côté, occulté par le jeu d’acteur. 

Au Salon de l’Agriculture, on n’a pas vu les conséquences de ce qu’on voulait en termes politiques, on a vu un Président qui voulait simplement être le personnage dans lequel, petit à petit, comme tous ses prédécesseurs, il s’enferme.

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