Le sujet a déjà inspiré des dizaines d'ouvrages, des milliers d'articles et fait couler des torrents de salive, mais c'est la première fois que me tombe sous l'oeil ce qui est à la fois un livre utile - il y en a eu certes d'autres avant lui - et un grand livre. L'essai s'intitule Terreur et il est signé Yann Moix, auquel on pourra toujours tout reprocher sauf d'écrire le même livre. Grand livre sur la forme, le style tient ici le milieu entre la sobriété du Code civil et l'écriture par fragment de la société du spectacle de Guy Debord. Certains plus brillants paragraphes sont consacrés aux rapports monstrueusement féconds qu'entretiennent le terrorisme et cette Société du spectacle. Grand livre aussi quant à son ambition, il s'agit ici de penser l'impensable, ce qui est devenu le fond d'écran de nos vies, le terrorisme.
Un fond d'écran aveuglant - au double sens de cet adjectif - nous ne pouvons pas ne pas le voir, il nous saute littéralement aux yeux. Et pourtant, nous ne savons pas encore le voir, car notre regard échoue à faire la mise au point, comme on dirait en photographie. Il s'agit de sortir de notre éblouissement pour reprendre nos esprits. Et enfin Terreur est aussi un grand livre sur le fond.
Terreur tranche, de manière décisive selon moi, le débat opposant ceux qui jugent que le terrorisme est en quelque sorte inscrit dans l'Islam et de brandir telle ou telle sourate du Coran à l'appui de leur thèse, et ceux qui analysent le terrorisme comme un dévoiement politique et criminel de l'Islam sans rapport avec l'essence de cette religion. Yann Moix dynamite brillamment le syllogisme, qui voudrait que musulman égal islamisme égal terrorisme, par conséquent que musulman égal terrorisme.
Si tel était le cas, ajouterais-je, les massacres commis sur notre sol l'auraient été par des docteurs en théologie Musulman, ors ils l'ont été par des marginaux, des voyous en quête d'on ne sait quelle rédemption, reconversion et un pourcentage remarquablement élevé de cas psychiatriques. Aux domiciles de certains ont été retrouvés des exemplaires du Coran pour les nuls. Ce qui situe assez bien leur connaissance du sujet. N'en déplaise à Manuel Valls et sa phrase imbécile, au fond assez odieuse, selon laquelle « expliquer c'est déjà vouloir excuser. » Yann Moix prouve dans son admirable réflexion qu'expliquer, c'est surtout vouloir comprendre. « Comprendre pourquoi l'ennemi veut me tuer. C'est encore le meilleur moyen de le combattre et au passage de rester en vie. »